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Qu'est ce que la Géo-Anthropologie ? Qu'est-ce que l'anthropologie pluraliste ?


séminaire 2004 (la pluralité anthropologique)




Chers amis, je vous rappelle que notre séminaire
Psychanalyse et Société, 2003-2004

aura lieu Jeudi 15 janvier 2004 à partir de 20 h 30 précises, bibliothèque Lasteyrie, 4 place St Germain, 75005 Paris.)

sur le thème : Pluralité et transpositions culturelles de la division intrasubjective. Problèmes et paradoxes


L’argument porte sur la condition imaginaire de la pluralité arendtienne définie dans les formules suivantes :
-La politique repose sur un fait : la pluralité humaine »
Qu’est-ce que la politique ?, Fragment I, p 39, Le Seuil, Paris, 1995,
-« il n’y a d’hommes que là où il y a pluralité »,
(La vie de l’esprit, I, La pensée, Paris, PUF, 1981, p 30
-« Nous sommes tous pareils, c’est-à-dire humains, sans que jamais personne soit identique à aucun homme ayant vécu, vivant ou encore à naître »
La condition de l’homme moderne, Paris, Calmann Lévy, 1981, p 42

Le problème est qu’aucune politique humaine n’est viable si la pluralité distinguant chacun de tous n’est pas représentée par une médiation imaginaire opposant certains à d’autres, à partir de positions partageables et opposables. Cette médiation permet de faire communiquer la division intérieure de chaque sujet et la division sociale.
Cette communication, -qui ne peut et ne doit être jamais accaparée par le collectif- est la condition sine qua non pour que la pluralité sociale et politique soit vraiment reconnue par les sujets personnels.

Mais cela ne va pas sans paradoxes ni apories…

Denis Duclos

-PS 1 : je vous joins une fort intéressante et juste pétition adressée à la cantonnade (civile) par un groupe de psys dans le contexte de l’horrible amendement Accoyer. Pouvez- vous la faire circuler ?

PS 2 : également, un peu de pub pour les trois premiers livres de la collection « passion de penser » que je dirige aux éditions Le passage (diffusion Seuil).
« Au passage », je vous invite à m’envoyer des projets de bouquins (courts, polémiques, solides et lislbles par des étudiants de 1ere année.) Si vous pouvez me refaire « la servitude volontaire de la Boétie », dans les conditions contemporaines, je vous prends en priorité. DD )







Pour la psychanalyse.



Franck Chaumon
Roger Ferreri
Vincent Perdigon
membres de l’association Pratiques de la folie.
(pratiquesdelafolie@ifrance.com)


L’amendement Accoyer, visant à réglementer l’exercice des psychothérapies a suscité l’opposition de l’ensemble des psychanalystes français. Il faut expliquer pourquoi et montrer en quoi la question soulevée concerne la société dans son ensemble.

Avant toute chose, il faut faire un constat : l’exercice de la psychanalyse en France n’a jusqu’ici jamais été réglementé.
Cela mérite d’être souligné car après tout, la chose n’allait pas de soi si l’on en juge par le fait que nombreux ont été ceux – médecins ou représentants des pouvoirs publics - qui ont formulé le désir de mettre fin à cette exception, au nom d’arguments qui étaient les mêmes que ceux qui sont formulés aujourd’hui. Il y avait à cette situation singulière des raisons puissantes, qui tenaient certes à la vitalité de la psychanalyse elle-même, mais tout autant à l’organisation sociale dans son souci de ménager des espaces privés. Que la pratique psychanalytique ait été ainsi respectée a témoigné d’une certaine modalité du lien social, c’est à dire participait d’une certaine fiction de la liberté.


1) Un monde nouveau.

C’est pourquoi la question qui est posée à présent n’est en rien réservée aux psychanalystes. Il ne s’agit pas simplement de leur cadre d’exercice, c’est à dire d’une dimension technique voire éthique de leur pratique, il y va d’un changement dans le lien social. Si la psychanalyse se tenait jusqu’ici dans les territoires protégés de l’espace privé, la voici exposée à présent que les pouvoirs s’investissent de plus en plus dans la réglementation des rencontres humaines. Evaluer, garantir, contrôler ce qui se passe entre les hommes au titre des « relations » fait partie des nouveaux modes de gestion.
Marche après marche, avec toute la complexité des interférences entre le bon sens et les calculs les plus aveugles, s’est progressivement mis en place un ordinaire de la surveillance d’autrui. Peu de champs sont épargnés par cet attrait du prévenir, soigner et punir. Une extraordinaire machinerie, constituée de spécialistes en petites choses et d’audits en tous genres, dessine une toile de fond en perpétuelle évaluation de ses propres rationalisations, machinerie qui n’en finit pas de s’avancer de plus en plus ouvertement en se parant du monopole d’un pragmatisme indiscutable. Cette pente est d'autant plus étonnante dans sa progression que nul n'y croit sérieusement et pourtant, d'une certaine manière, tout le monde y adhère


Si les psychanalystes ont à répondre au nom de la psychanalyse, ils ne peuvent le faire qu’en contribuant à énoncer l’enjeu social qui se dessine aujourd’hui, ce qui n’est pas chose aisée. Une chose est claire cependant : ce n’est pas en organisant leur défense sur le mode corporatiste – c’est à dire en se faisant reconnaître comme corps – que les psychanalystes seront à hauteur de la tâche. Le jeu des oppositions corporatives - psychanalystes, psychothérapeutes, psychiatres, psychologues – et de leurs différents groupes de pression – associations, organismes de formation, chaires universitaires – détourne de l’essentiel, à savoir l’analyse des enjeux contemporains.


- Le nouveau monde de l’évaluation des rapports humains

Le fait nouveau et massif dont il faut partir est le suivant : le développement considérable des techniques psychologiques est devenu un enjeu de pouvoir. La parole est désormais obligatoire (prescrite) pour toutes les victimes de ce que Freud nommait malaise dans la civilisation et qui a désormais pris le nom de traumatisme généralisé. A cette aune, les frontières du privé et du public sont devenues caduques, les désordres sexuels dans les familles doivent être traités tout comme les harcèlements au travail, les criminels doivent être soignés par la parole tout comme les victimes doivent dire leur traumatisme et faire leur deuil. C’est non seulement la souffrance, mais aussi la santé (mentale) qui devient l’objet d’une sollicitude sous surveillance. Si l’on prend la mesure du fait que les conflits dans la famille, l’école, le travail, la prison ont été progressivement changés en troubles psychologiques, il ne faut pas s’étonner que leur traitement devienne une affaire d’Etat. C’est à dire affaire de gestion soumise à évaluation.


- Evaluation des pratiques

Comme on sait, il ne s’agit plus aujourd’hui de la reconnaissance d’un statut de psychothérapeute, mais de celle d’une pratique psychothérapeutique. Ce glissement n’est en rien fortuit, car il participe d’une mutation de la gestion du social qui se répand rapidement.
Traditionnellement, c’est le statut professionnel qui ouvre droit à la possibilité des actes. Un médecin, un psychologue reçoivent à l’université une formation qui, une fois validée, leur permet d’exercer sous la garantie d’un titre, et ce quel que soit l’acte qu’ils effectueront dans les règles de l’art. En tant que médecin, en tant que psychologue il leur appartiendra de décider du choix et du moment de leur technique. A l’inverse, l’isolement d’une pratique réglementée et évaluée prédéfinit une séquence d’actes et la soumet à protocoles et procédures rendant secondaires les diplômes et qualifications professionnelles de l’acteur. Ceci se constate désormais particulièrement dans le champ de la médecine où les actes sont de plus en plus isolés, comptabilisés, financés voire judiciarisés.
La conséquence en est une séparation des acteurs de ce qui est désormais désigné en terme de produit ou de service, et un dépérissement de la responsabilité professionnelle qu’elle soit médicale ou pas. L’implication dans l’acte est le fait de l’auteur qui, en ajoutant sa part de création, dépasse la simple répétition technique et fait de cet acte un temps singulier. Ce dont témoigne la formule d’homme de l’art, qui donne à entendre ce qui s’oppose à la dérive d’une évaluation réduite au respect formel des procédures techniques et à une responsabilité restreinte à sa dimension juridique. La médecine, comme question du vivre ensemble disparaît du débat public, comme on a pu le constater avec la gestion de la crise dite de la canicule.
Le rapport Cléry-Melin pour la psychiatrie démontre clairement à quoi aboutit une telle logique lorsqu’elle envisage l’articulation réglée de la gestion des réponses techniques. Il permet de constater que cette modalité évaluative de pratiques découpées selon leur objet symptomatique prédéterminé est profondément homogène avec le pragmatisme dans la théorie : le DSM en psychiatrie est parfaitement adéquat à cet instrument.
C’est pourquoi certains psychanalystes se trompent lorsqu’ils croient opportun de demander leur participation à la définition de telles pratiques, au motif qu’il y aurait des effets psychothérapiques à certains actes analytiques. Il n’est pas possible d’accepter une telle logique sans entériner la coupure qu’elle institue entre l’acte et son produit, rejetant la question de l’acteur, soit celle de son désir et en ce sens de sa responsabilité, au titre de simple supplément à gérer par Comité d’éthique interposé.


- Hiérarchie des actes

L’évaluation d’une pratique suppose que l’on puisse en déterminer la finalité, elle est indissociable d’une logique des biens. Il n’est pas surprenant qu’elle se double d’une échelle de valeurs qui permet de hiérarchiser les indications, distinguant la véritable souffrance pathologique des simples bleus à l’âme. De l’évaluation à la discrimination de la demande il n’y a qu’un pas, comme on peut le lire dans le rapport cité où la question est posée de faire un choix entre pathologies graves et souffrances ordinaires.
Selon cette hiérarchie, le sérieux de la pathologie serait bien sûr sous garantie, médicale en dernier ressort comme il se doit. Quand on sait l’évolution actuelle de la psychiatrie et de son enseignement, il faut répliquer que le sérieux est plutôt du côté de la psychanalyse, mais ce n’est pas le même. C’est celui qui a fait que Freud n’a pas reculé devant la mise en cause de l’hystérie, celui de Lacan invitant ses élèves à faire de même devant la psychose. Celui qui pose en premier lieu non pas le savoir évalué par anticipation mais la parole singulière, à chaque fois singulière de qui cherche un Autre à qui s’adresser. Si une société se juge à la manière qu’elle a de faire place à la folie, l’exclusion de la psychanalyse pour les plus désorientés au nom de leur pathologie est de sinistre augure.


2) La psychanalyse saisie au vif

La réaction massive des psychanalystes contre l’amendement Accoyer a montré qu’ils ont clairement perçu que c’est l’existence même de la psychanalyse qui était en péril. La très grande force de la communauté des analystes tient au fait que, chacun se réclamant de Freud qui a pris à ce sujet des positions sans ambiguïté, c’est de la fidélité à son enseignement qu’il s’agit. Les psychanalystes ont su le faire entendre, d’où la surprise et le recul des pouvoirs publics et un écho favorable de l’opinion.
Suppression pure et simple de l’amendement Accoyer, tel a été le mot d’ordre implicite de ce premier temps.
Malheureusement dans un deuxième temps, le souci tactique, les divisions intestines voire la fascination de la représentativité sous garantie ont dissout cette force compacte, et instauré la confusion. Négocier un peu beaucoup et pour certains passionnément, avec qui et surtout contre qui telle a été la valse de ce deuxième temps.
Il faut absolument revenir à des positions de principe.

Si l’on accepte l’idée que la toile de fond du débat est constituée par la gestion des rapports humains appréhendés comme relations psychologiques, on en déduira qu’il s’agit de savoir si la psychanalyse s’oppose dans son essence à cette modalité du lien social ou non. Si l’on admet que la médecine et la psychologie ont été déjà largement mises à contribution dans cette nouvelle gestion, on se demandera si la psychanalyse y a été impliquée ou pas.
La réponse est nette, et c’est pourquoi le choc est si violent.

1) la psychanalyse s’est définie en se distinguant de la médecine et de la psychologie.
Quels qu’aient été les liens de Freud avec la médecine et la psychologie de son temps, c’est pour des raisons décisives et non pas contingentes qu’il s’est attaché à distinguer la psychanalyse de ces deux champs. Sa position par rapport à l’analyse profane en découle.
2) La psychanalyse dans sa formation et son exercice est restée en France fidèle à ses principes de fondation. (On peut aisément constater à l’inverse que la formation des médecins est peu a peu vidée de sa filiation hippocratique).

Tel est le noyau dur, qu’il ne faut pas confondre avec le problème que pose l’extension considérable de la pratique des psychanalystes dans les institutions de soins et d’enseignement spécialisé, qui n’a jamais été véritablement pensé comme tel par les associations de psychanalystes. La psychologisation de la société à laquelle ont participé de nombreux psychanalystes, naïvement ou pas, hors l’exercice rigoureux qu’ils maintenaient en effet dans leur cabinet, est un fait dont ils ne peuvent se désintéresser. Il leur revient à présent en boomerang. Mais cela ne doit pas les détourner, par culpabilité ou par crainte, de tenir ferme sur les conditions d’exercice de la psychanalyse stricto sensu. Encore une fois c’est une chance et une force que cela ait été possible jusqu’à ce jour, et la considération de ce qu’il en est à l’étranger impose de prendre la menace au sérieux.

C’est de ce point de vue, et de ce point de vue seulement qu’il faut aborder la question des non-non. Ce n’est évidemment pas un hasard si la question des non-médecins, non-psychologues a été posé à propos des psychothérapies. Car cette difficulté n’a été isolée comme telle dans sa rigueur que par Freud, et par personne d’autre. La psychanalyse est donc strictement concernée comme telle à cet endroit, et il faut comprendre qu’en discuter à propos des psychothérapie n’est que le premier pas. Cet enjeu est hélas dissout comme tel dans le texte de « l’amendement de l’amendement ».
Là encore, malgré son souci de reconnaissance par ses pairs et de notoriété dans la société, on sait que le médecin Freud a pris une position sans aucune ambiguïté quant à la garantie supposée qu’apporterait la qualification reconnue par la faculté de médecine en particulier. Si cette position découlait de la stricte application des principes de la cure à la formation des psychanalystes, il reste qu’heureusement il a pris soin de se prononcer très explicitement, en opposition non seulement avec certaines autorités de son temps mais avec des analystes prêts à passer sous les fourches caudines de la médecine. Son texte n’a pas pris une ride.
La psychanalyse est profane ou elle n’est pas.


Mais il faut aussitôt ajouter que si la psychanalyse se distingue radicalement de la médecine et de la psychologie, elle n’en reste que davantage concernée par la folie.
Le fait de sa différence n’a jamais signifié pour Freud qu’elle doive déserter le champ du soin. C’est au contraire parce qu’il pensait que seule la psychanalyse était une « thérapeutique causale » c’est à dire qu’elle ne s’en tenait pas au remaniement plus ou moins confortable des symptômes que son champ restait, aussi, celui de la folie. Il convient de le rappeler à tous ceux qui voudraient la limiter au territoire convenu des « bleus de l’âme ». Céder sur ce point c’est accorder en négatif la délimitation d’un espace réservé pour la psychanalyse, au sens de la réserve d’indiens.


La psychanalyse est une pratique qui consiste à suivre le fil d’une parole sans l’anticiper d’un quelconque savoir. Elle s’instaure comme échappée devant toute assignation à ce qu’il y ait une réponse concertée face à la folie, qu’elle soit hystérique ou délirante. L’œuvre de Freud est indissociable de la création d’un espace où se transmet cette question inaugurale posée par l’hystérique à l’adresse des savoirs d’anticipation, elle interdit de construire une science des rêves en dehors de la parole singulière de chaque rêveur. Freud a eu le génie de soutenir que le transfert de cette question dans son savoir en construction ne pouvait être qu’une signification en transit.
C’est pourquoi en tant que telle, la psychanalyse s’oppose à toute perspective d’évaluation.


C’est aussi la raison pour laquelle la formation des psychanalystes reste une question ouverte. Il faut le souligner, la question du devenir analyste n’est pas réglée, en tous cas pour un nombre important de psychanalystes. Il n’y a pas si longtemps, c’est sur ce qu’il considérait de ce point de vue comme un échec, que Lacan a dissout l’Ecole Freudienne de Paris. De nombreuses associations sont encore aujourd’hui au travail à ce propos.
Le mérite de Lacan a sans doute été de poser la question autrement : non pas en demandant au psychanalyste de rendre des comptes sur ce qu’il doit être, mais sur ce qu’il a été. C’est dans cette inscription d’un temps logique que se maintient dans la théorie ce que chaque analyse dépasse. Que l’on accepte ou non la forme de la passe, il s’agit de maintenir ouverte dans la pratique cette question pour s’opposer à ce travers reconnu : un analyste qui se présenterait a priori comme formateur au point d’en garantir l’efficacité ne pourrait que le conduire à tomber dans la bêtise de se faire juge des propos de ses analysants.
La question de la formation des analystes doit rester une question ouverte.

Or dans l’adversité, la plupart des associations d’analystes ont affirmé l’existence d’un consensus quant aux procédures de reconnaissance des psychanalystes entre eux. On sait que les associations ou écoles ont chacune leur propre modalité de désignation, répondant à des critères qui pourtant seraient déclarés communs : analyse personnelle, contrôles, formation théorique. Si un tel consensus semble mettre fin spectaculairement à la suspicion habituelle entre associations de l’IPA et associations d’orientation lacanienne, on peut s’étonner qu’elle prétende régler la question. La somme des garanties ferait-elle garantie de la somme ? On peut remercier le Ministre d’avoir posé la bonne question : l’annuaire de tous les annuaires est-il un annuaire commun … ou un annuaire comme Un ?
La douloureuse question de la garantie que l’on ne poserait plus désormais aux associations puisqu’elles se garantissent réciproquement, se déplacerait désormais vers les analystes errants. De même la logique de souveraineté nationale fait-elle surgir la question des apatrides.
Croit-on qu’il soit indifférent de prétendre aujourd’hui la question réglée ? Croit-on que la conférence de consensus dont on propose implicitement l’extension à la psychanalyse donnera d’autres effets que ceux produits dans le champ de la psychiatrie, à savoir normalisation des pratiques et récusation des questions éthiques réputées superflues?
Quelle que soit la position que l’on ait par rapport à Lacan, croit-on qu’il eut été indifférent pour le devenir de la psychanalyse en France si dans les années 50 l’Etat s’était mêlé de privilégier la reconnaissance internationale donnée aux procédures de IPA ?


3) Et maintenant ?

Pour toutes ces raisons, la seule position claire et cohérente doit être le retrait pur et simple de l’amendement Accoyer, et de tout autre qui ait la même visée. Il n’y a aucune raison de négocier autre chose que ce qui était jusqu’ici, dont on ne voit pas en quoi cela a fait obstacle au développement de la psychanalyse en France. Par contre, il s’agit en effet d’un point de résistance dans les modifications contemporaines de la gestion des hommes, et à ce titre la psychanalyse est embarquée dans un combat qui concerne la société. Il faut donc poser l’exigence d’un refus de toute réglementation de la psychanalyse.

On se méfiera en conséquence des mobilisations actuelles prétendument tactiques. Les associations ou regroupements, s’ils ont des intérêts à défendre au titre des territoires de la formation professionnelle, sont priés de ne pas les confondre avec la question de l’exercice de la psychanalyse. De même que les universitaires, dans le souci compréhensible de maintenir des positions référées à la psychanalyse dans les facultés de Lettres et sciences humaines, devraient avoir le souci de ne pas confondre validation de diplômes de psychologie à référence psychanalytique et diplômes de psychanalyse. Toutes choses que chacun professe volontiers mais qui, d’être oubliées dans la pratique sans principe des alliances et des stratégies, risquent faire basculer l’exercice analytique comme tel du côté de la réglementation.

La question encore une fois excède le domaine strict de la psychanalyse.

L’idée d’un empire de la gestion des hommes étendue à leur intimité correctement évaluée peut faire frémir, mais elle est déjà en marche. Un certain chemin a déjà été parcouru en ce sens. Depuis de nombreuses années une modalité de gestion dite évaluation et démarche qualité a progressivement investi les rapports humains dans le travail, puis dans les services.
Le champ de la santé connaît ce mouvement qui fait des hôpitaux des entreprises dans lesquelles la gestion des personnels répond de plus en plus aux modalités d’évaluation selon les protocoles et de moins en moins au discours médical. En psychiatrie le programme est annoncé d’une destruction de l’unité du champ de la pratique en territoires fragmentés de réponses à des symptomatologies prédécoupées.

Les psychiatres, qui ont vu l’espace de leur pouvoir et de leur exercice professionnel décliner significativement au profit de la puissance administrative, ont eu du mal à s’opposer efficacement à cette modélisation des rapports humains. Ils savent maintenant que les procédures d’évaluation qu’ils ont acceptées au nom du sérieux et pour faire preuve de bonne volonté voire pour être modernes, laminent désormais leurs responsabilités clinique. L’outil informatique s’est subtilement glissé entre leurs actes réduits à des produits quantifiables et leur responsabilité de praticiens. S’ils lisent attentivement le rapport Cléry-Melin, ils savent désormais comment tout cela pourrait finir.
Ils ont donc mieux à faire qu’à revendiquer un pauvre pouvoir sur les psychothérapeutes ! Ils pourraient plutôt expliquer aux analystes comment ceux-ci seront accommodés à la sauce évaluative si ils continuent à pousser le sérieux et la représentativité jusqu’à s’installer à la table de négociation.
Les psychanalystes quant à eux pourraient s’interroger sur l’ignorance dans laquelle ils se sont tenus jusqu’ici de ce qui se tramait à leur porte et sur leur participation à un ordre psy désormais patent. S’ils se laissent emporter par leur esprit de sérieux et de reconnaissance, ils ne pèseront pas lourd. On peut déjà constater qu’à la revendication de l’amendement de l’amendement est venu répondre … la demande de l’annuaire des annuaires. Vous avez fait ce premier pas, pourquoi ne feriez-vous pas le second ? D’autant que voyez-vous « ces mesures peuvent mettre la psychanalyse à l’abri d’appétits privés ou intéressés par des fins qui ne la concernent pas » (sic). On est heureux d’apprendre la tendre sollicitude de Raminagrobis. Un peu d’humour ne nuit pas : quant à nous, nous nous engageons solennellement à ne pas publier la liste de ceux qui ne figureront pas sur la liste !
Les psychanalystes peuvent être autrement efficaces, en restant fidèles à l’acte même de Freud dans lequel ils ont mis leur pas. Il faut rappeler que si celui-ci n’avait pas cédé sur le point de l’analyse profane, cette position de résistance était conforme à celle qu’il avait prise en écoutant les hystériques et leur protestation résolue. Aujourd’hui, en France, il s’agit de ne pas céder.


La réaction claire et rigoureuse des psychanalystes importe donc bien au-delà de leur seul champ d’exercice. Car la psychanalyse représente un point de butée et de résistance à une modalité nouvelle de gestion du social qui se développe depuis deux décennies. Si la détermination que peuvent opposer les psychanalystes peut être l’affaire de tous c’est bien que chacun peut pressentir, qu’il ait eu ou non l’expérience de la psychanalyse, qu’il y va d’une certaine conception du lien social. Disons faute de mieux de la fiction d’une certaine liberté, dans une certaine démocratie.




LE PASSAGE











Collection : La passion de penser
Format : 10 x 16 cm Nombre de pages : 160 Mise en vente : 26 mars 2004 ISBN : 2-84742-037-1 Diffusion SEUIL Prix : 8 ¤

La question de l'origine est essentielle pour toute doctrine du pouvoir établi. Ce petit livre tente de renverser la massive idéologie ambiante selon laquelle l'homme serait réductible au langage, et de ce fait à la rationalité abstraite. En s'appuyant sur les plus récentes découvertes en éthologie, il avance que la vie sociale et politique la plus intelligente a précédé le langage verbal, et que les primates qui l'ont inventé y ont sans doute été contraints par le conflit (et sa contrepartie : l’amour des siens) bien plus que par la commodité de nommer des objets. Encore aujourd'hui les sentiments affectueux ou hostiles sont beaucoup plus importants pour nous que les concepts par lesquels nous croyons pouvoir les « gérer ».

Les travaux récents des paléontologues, des éthologues, des zoologues et des primatologues représentent une somme de progrès considérables qui sont rarement pris en compte par les sociologues, habitués a mépriser quelque peu les théories sociobiologiques (qui, hélas , le leur rendent bien !).

Du point de vue des spécialistes de l'homme contemporain, les savants naturalistes parlaient un langage obscur (celui des fossiles, ou des expériences en laboratoire). Mais, depuis que certains ont préféré respecter les singes comme des humains, ils ont enfin eu accès à un trésor inépuisable d'observations étonnantes. En acceptant de les partager avec les disciplines du psychique, du social et de la politique, ils nous permettent de révolutionner notre vision de l'espèce.

DENIS DUCLOS est sociologue, directeur de recherches au CNRS, directeur de thèses à Paris I-Panthéon-Sorbonne, spécialiste des risques de société et romancier.


LE PASSAGE








Collection : La passion de penser
Format : 10 x 16 cm Nombre de pages : 160
Prix : 8 ¤ Mise en vente : 26 mars ISBN : 2-84742-038-X Diffusion SEUIL

Les sciences humaines forment un champ varié contrasté, mais dont on est toujours tenté de prôner l’unification, par exemple à partir de l'économie ou d'une visée systémique. S’appuyer sur de telles sciences pour nous définir nous-mêmes, c’est donc courir le risque d’une visée totalisante. Maintenir l’ouverture et la confrontation c’est prévenir ce risque. Mais n'est-ce pas du même coup renoncer à toute gestion rationnelle de l'homme ? Cette situation inextricable incite à revenir à des interrogations élémentaires, comme : pourquoi désirons-nous tenir un discours rationnel sur nous-mêmes en tant qu'espèce, que société, qu'entité de communication ou de règles ? Certes, on pourrait répondre que c'est par pure nécessité, pour prévenir les désordres terribles dont fourmille notre histoire. Mais cette dernière témoigne aussi de catastrophes dues précisément à la volonté de nous définir "scientifiquement". Réitérons donc sans complexe notre question : pourquoi voulons-nous construire un savoir sur l'homme ? La réponse esquissée ici est que nous croyons souvent que nos problèmes les plus personnels peuvent trouver une solution heureuse dans un changement entrepris avec autrui, dans une transformation collective.
Nous entrons alors dans un cheminement qui comporte quelques grands jalons. Par exemple, nous commençons souvent par nous poser (à l'instar des philosophes grecs) le problème des bonnes lois, des bonnes institutions. Mais au bout d'un moment, nous-nous rendons compte que, pour être bonnes, les lois doivent obéir à des règles de formulation, de codage. Nous descendons alors dans les profondeurs de la construction sociale, pour chercher ses fondations. Cependant, ayant cru trouver le socle (langage, système de références mythiques, etc.), nous sommes bien obligés de constater qu'il demeure une large part d'arbitraire : pourquoi tel système serait-il meilleur qu'un autre et pour toujours ? Certains penseurs nous entraînent alors encore plus loin, dans l'idée de fonder absolument la société dans l'ordre naturel. Mais ce faisant, ils nous poussent à la révolte contre l'énorme pouvoir qui peut s’installer sur une telle certitude de fondation absolue. Et nous voila retournés a la question de départ !
Dans ce livre destiné a un public large et aux étudiants qui se lancent dans les sciences humaines, l'auteur montre comment ce périple circulaire constitue le champ même où elles se déploient ; et comment la plupart des grands auteurs peuvent y être situés, se questionnant et se répondant au travers de ces quatre grands positionnements : choix du bon mythe, désignation du bon symbolique, affirmation de la fondation naturelle du social, et enfin révolte contre les trois propositions précédentes...

NICOLAS STOFFEL, 32 ANS, est sociologue et enseignant à l’Université de Strasbourg.















Collection : La Passion de penser
Format : 10 x 16 cm Nombre de pages : 192 Prix : 9 € Mise en vente 26 mars 2004 ISBN : 2-84742-048-7 Diffusion SEUIL

« Le 21 décembre 1998 : je m’en souviens comme si c’était hier. Mon copain Christophe et sa mère étaient décédés tôt le matin et j’étais au commissariat avec mes amis Farid et Djamel pour répondre d’une accusation de tentative de meurtre.
Je n’avais pas ouvert la bouche pendant plus de huit heures. Je restais assis, anéanti, sans âme, à regretter notre inexpérience, à déplorer notre erreur de vouloir trop profiter de notre jeunesse ; à penser aux conséquences de se masquer les causes des problèmes.
Comment en étais-je arrivé là ? Que s’était-il passé ? Je dois revenir sur les trois jours précédant le drame. »

Récit autobiographique, document exceptionnel, mais aussi « autosociologie » dans la grande tradition, Noircité nous plonge dans la «vie des banlieues ». Celle-ci n’est pas tous les jours l’enfer, et peut même être vivante et riche, pourquoi pas agréable, souvent drôle et attachante. Mais il s’y passe – comme ailleurs, mais peut-être de façon plus visible – des événements terribles.
Sous couvert d’adaptation romanesque, et avec une distance ironique et gouailleuse, Thomté Ryam, jeune auteur d’origine africaine, rend compte en ethnologue de sa propre situation, de son histoire et de celle de son milieu. Son héros, Sébastien, un jeune Africain qui se définit lui-même « un être instable, ayant du mal à s’expliquer, à commenter ses choix, à choisir entre droit chemin et errances, entre bien et mal, agitation et calme, intelligence et bêtise », grandit dans la «cité Louis Armand », en banlieue parisienne. Une zone sensible, un quartier « d’une rare saleté. »
Tous ses espoirs reposent sur sa passion, le football, qu’il pratique avec talent. Repéré par des sélectionneurs, son avenir semble s’ouvrir. Mais, la veille des journées de sélection, une soirée de trop, les potes, l’alcool, la BMW, la frustration sentimentale, le racisme ordinaire, et tout bascule.

Mardi 18 Août 2009 - 21:55
Mardi 18 Août 2009 - 21:56
Denis Duclos
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