Ces deux aspects sont nouveaux pour notre espèce : jamais la société n'avait recouvert le monde, et jamais une société n'avait été un monde complet pour ses membres.
Nous consacrons ce site à la réflexion sur cette réalité nouvelle, qui pose beaucoup plus de problèmes inédits que la "mondialisation" économique en cours n'en soulève. En un sens, au plan théorique, nous sommes parvenus à l'époque qui constituait l'avenir indépassable pour les philosophes sociaux des siècles derniers.Ainsi la question du "communisme" (au sens d'une communauté humaine en cours d'accomplissement, avec ou sans révolution) est-elle soulignée, cette fois non plus comme choix politique, mais comme réalisation automatique d'une idéalité concernant chacun et tous. L'étatisation du monde (à la faveur de la crise comme des croissances précédentes) n'est plus seulement à craindre ou à espérer : ce qui est à interroger est la figure d'une humanité unifiée (dans sa diversité).
L'unité en cours de concrétisation d'une seule société correspondant à une seule humanité et une seule planète soulève la question du contenu de cette unité.
Nous explorons l'idée que celle-ci s'effectue aujourd'hui sous l'égide d'un idéal de fonctionnement technique et même machinique, celui là même dont Marcel Mauss apercevait déjà la construction avant la deuxième guerre mondiale comme transformation de l'homme en "machine à calculer".
Ce fonctionnement utilise encore un capitalisme (usé jusqu'à la corde d'un taux de profit affaibli) mais se déploie déjà dans une perspective bien plus vaste relevant d'une technobureaucratie mondiale en formation (et dont les Etats comme la France sont de zélés ingénieurs).
Le risque de l'unité (déployé par l'unicité même de la société-monde) recoupe donc essentiellement le risque d'une pure technocratie (ou technarchie) relayant la technochrématistique. Ce risque est en même temps risque de défaillance systémique (risque technologique majeur) et risque d'effet pathogène du technologique s'instillant trop profondément dans la culture.
Ce double effet doit être saisi dans sa dialectique : par exemple, l'excès d'informatisation de procédés automatisés peut éliminer les redondances nécessaires à la sûreté d'un système :
centrale nucléaire, internet, avion long courrier, prévision climatique, etc. Il peut même amplifier les crises liées à l'irrationalité humaine, comme les crises financières. Mais, du même coup, il apparaît comme une "drogue" obnubilant les êtres humains capturés dans sa fascination.
L'autre versant du risque est ici l'amoindrissement des capacités individuelles et collectives de parler, de réagir ou d'agir, d'inventer des façons de vivre, de choisir pertinemment des orientations politiques.
Ainsi se précise l'idée qu'en miroir d'une unicité technologique dangereuse se propose une pluralité culturelle préventrice et salvatrice. La pluralité est à la fois le fondement de toute civilité et la meilleure des "redondances". Elle assure que dans l'avenir l'être humain disposera de ressources qui ne seront pas seulement archivées mais qui vivront en "conversation" les unes avec les autres, de telle sorte que, la conjoncture changeant, ce serait une autre facette de l'homme, une autre de ses "versions" qui pourrait prendre momentanément l'ascendant, car elle n'aura pas été détruite par un régime d'unicité.
Dans ce site, nous nous consacrons à l'exposé de cette hypothèse, ainsi qu'à sa défense dans l'arène académique mondiale. Nous nous appuyons notamment sur la mise en perspective des travaux de Denis Duclos qui s'y consacre depuis près de trente ans d'activité de recherche au CNRS.
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Site "Denis Duclos", sociologist/anthropologist, director of research at CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique/National Centre for Scientific Research).
The object of an Anthropology of the World-Society (geo-anthropology.com) possesses a double characteristic: on one hand, it is a sole society coming along with a sole world. But is also a world in itself: society of human beings becoming the absolute horizon for each individual.
Those two aspects (‘soleness’ of the planet, wholeness of the common world) are new to our species: never before a society had covered the whole world, and never before had a society been a complete world for its members. We dedicate this site to a reflection on this new reality, which raises many more unprecedented issues than the current global economy does. At a theoretical level, we have reached a time which constituted an impassable future for the social philosophers of previous centuries.
For instance, the question of ‘communism’ (in the sense of a human community on the way to accomplishment, with or without a revolution) is underlined, this time not as a political voluntarism, but as the automatic realization of an ideality concerning each and every one of us. The direct state-control of the world –which was overtly called for by Pope Be XVI, owing to the crisis today- is not to be feared or hoped for: what is to be questioned is the metaphor of a humanity unified in its diversity.
The process of concretely unifying a humanity corresponding to a sole humanity and a sole planet raises the question of the content of this unity. We explore the idea that it is today under the aegis of an ideal of technical and even mechanical functioning, which Marcel Mauss already perceived before the Second World War as the transformation of man into a calculator. This functioning still uses a threadbare capitalism (undermined by a declining rate of profit) but already unfolds itself in a wider perspective springing from an emerging global techno-bureaucracy (States like France being its most zealous servants).
The risk of unity deployed by the very uniqueness of the world-society is tied up to the risk of pure technocracy (or techno-archy) teking over from technochrematistics. The later claiming to be the only possible peaceable ‘unificator’, the main risk also carries the danger of a systemic failure and the peril of pathogenic effects of technology on culture.
This double effect must be understood within its dialectics: for example, excess of computerization of procedures can eliminate necessary ‘redundancy’ for system safety (nuclear plants, internet, long distance flights, weather forecast, etc). It can even amplify crisis deriving from human irrationality like financial speculation. At the same time, this over-computing unveils its own irrational tendency and functions like a drug, captivating individuals and institutions in a dream of perfect automation. On this dark other side of ‘Risk culture’, we are driven to underestimate and depreciate human skills, collective and individual abilities to speak, act and react adequately to unforeseen situations, to invent new ways of life, or to consciously choose political orientations.
Thus, a new idea is taking shape: only a preventive and salutary cultural plurality can face up to a technological unity rendered much dangerous by its global unicity.
Plurality seems to be the foundation of all civilities and the best of all ‘redundancies’. It can insure that in the future, Man will have resources which will not only be filed within a computerized memory, but also living in ‘conversation’ with each other, in such a way that, with changing circumstances, it could be another side of Man, another ‘version’ of Man which could take momentarily the lead, because it will have been able to survived a world ‘unicity’ regime.
We dedicate this site to present and defend this hypothesis on the academic world arena. We rely notably on the perspective of Denis Duclos’ research, for the past thirty years at the CNRS.