(travail en cours; ne pas citer en l'état, merci)
Nous tentons ici de libérer un terrain surencombré à partir de quelques principes simples :
1. Il existe bien une polarité du champ culturel anthropologique qui inclut plus spécifiquement les phénomènes religieux (proprement occidentaux et récents), mythiques (plus anciens et plus universels), et cosmologiques (plus orientaux). Cet ensemble ne sera pas dénommé sans erreur, c’est-à-dire sans s’aliéner une partie des anthropologues, dénonçant toujours la « grosse bêtise » dans le propos du voisin. Je propose de pointer cette polarité à partir de sa position structurale : lieu de croisement entre le domaine de la Culture et le domaine du Sociétal, mais je ne propose pas encore de nom pour ce lieu, supposé par hypothèse aussi constant que la culture elle-même.
2. Il existe bien un champ spatio-temporel coextensif avec ce lieu, pour ce qui concerne la « culture occidentale ». Il correspond aux monothéismes.
3. Le phénomène monothéiste n’échappe pas à la tendance de tout champ culturel à se polariser selon des forces « conversationnelles » émergeant nécessairement des tensions logiques inhérentes à sa métaphore propre. Il se déploie donc en un carré greimasien.
4. Le carré greimasien correspondant au champ culturel du monothéisme oppose la dimension de la liberté absolue ou relative de Dieu (ou du sujet) à celle de sa position par rapport à la création (ou l'activité du sujet). Cette opposition fonctionne ainsi : soit Dieu est libre et extérieur à sa créature (figure du Père) ; soit Dieu n’est pas libre mais extérieur à se créature (figure de l’interprête des volontés de Dieu), soit Dieu est libre et intérieur à la créature (figure dun panthéisme/athéisme), soit Dieu n’est pas libre et intérieur à la créature (figure de l’égalité homme-dieu).
5. Il est légitime, au prix d’ajustements de détail infiniment variés (qui font la légitimité d’experts des « spécialistes de la religion »), de faire coïncider « at large » les quatre composantes historiques du monothéisme avec les quatre positions logiques du carré greimasien appliqué à ce champ : le monothéisme du père est incarné, après bien des avatars, plutôt par l’Islam ; le monothéisme de l’interprétation de la loi du Père par le judaïsme de la Thora ; le monotéhisme de l’égalité homme/dieu, et finalement de l’économie comptable, est incarné par les diverses tendances du christianisme ; le monothéisme de la fusion matière-esprit, dans lequel le sujet disparaît complètement dans la mesure des rapports entretenus avec les autres, est incarnée par l’athéisme.
6. Comme dans tous les carrés logiques, il se trouve qu’il se manifeste une « chiralité », un principe de dissymétrie qui réduit l’une des modalités logiques à un emploi plus rare, ou qui tend à se déplacer vers un autre champ. C’est pourquoi l’athéisme (qui est pourtant un effet direct du monothéisme, et complète le carré logique du champ religieux occidental) tend à ne jamais être pris en considération par nombre de théologiens, ce qui est une erreur radicale, que ne commettent d'ailleurs pas les mystiques.
7. L’explication la plus évidente de l’atténuation de l’athéisme comme part intégrante de la conversation « religieuse » occidentale tient à ce qu’il est plus difficile d’ériger un pouvoir pyramidal sur l’assertion athée (fusionnant réel et imaginaire), que sur les trois autres assertions. Il est donc également plus difficile d’un déployer un jeu de construction/déconstruction du pouvoir, comme dans les christianismes –entre constitution impériale et d’emblée hiérarchique d’un « égalitarisme » contrôlé, et pulvérisation « démocratique » des pentecôtismes, retournant à la lisière des animismes. En revanche l'athéisme -dont la première expression systématique fut le fait de Spinoza- autorise la construction d'une méga-machine représentant la société comme absolu : nous sommes en train de la construire grâce à l'informatisation et l'internétisation du monde humain.
8. La « prise de conscience » récente de l’existence d’une pluralité irréductible –dont témoigne notre propre construction du champ- a pu conduire à des formes de « dictature collective » sur les pratiques et sur la recherche, sous le modèle général du « comité d’éthique », où la position athée est implicitement reconnue dans la position du membre « pragmatique », ou « scientifique ». Il n’est donc pas exclu qu’il faille analyser la forme « oecuménique » (incluant l’islam) comme le devenir du champ occidental culture/sociétal, cette réunification formant un pouvoir d’autant plus incontestable qu'elle prend l'apparence d'une pluralité. La question du passage à un autre paradigme concernant ce champ dans la culture mondiale est alors posée. Toutefois, la victoire de l'athéisme pratique (la réduction de la figure divine à la marque du sujet dans un ensemble de relations strictement mesurées), rapproche le champ monothéiste du champ cosmologiste asiatique. là encore, la question du maintien de la pluralité se trouve posée : Louis Dumont n'avait pas prévu que la société de l'égalitarisme comptable et celle de la hiérarchie des places puissent un jour fusionner (sous la forme paradoxale de la fusion du capitalisme financier mondial et du parti communiste chinois !)
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