Dans le domaine religieux (qui est toujours fort intéressant à étudier) on passa de l'attente juive du Messiah éternellement à venir au "déjà vu" Chrétien du Messie, arrivé depuis longtemps quand, enfin, l'on s'en aperçoit . On pourrait transposer cette aventure des mythes au capitalisme actuel : les uns attendent sa mort avec ferveur ou angoisse, tandis que les autres -moins nombreux aujourd'hui- s'égosillent à montrer tous les signes de sa décomposition avancée. Eh bien j'aurais tendance à ajouter ma voix à celle de ces derniers, ou, en tout cas, à faire constater combien les gigantesques sommes dont le capitalisme a suscité l'apparition dans son enthousiasme et son avidité communicatifs sont destinées en large parties à être détruites, sous peine de réduire la société mondiale à l'esclavage pendant plusieurs générations, ce que ladite société n'est peut-être pas prête à accepter .
On peut aussi évoquer le conte de Grimm sur l'empereur à poil, mais qui ne s'en rend compte que lorsqu'un enfant de la foule ose le dire. Faudrait-il oser dire, feindre de découvrir que le capitalisme dont on attend indéfiniment le dépassement, après des vagues successives d'efforts historiques est en fait mort et enterré depuis longtemps, et cela sans aucun militantisme révolutionnaire. Certes l'exercice peut sembler passablement sophistique. Mais à l'occasion,il est possible de mettre en lumière d'intéressants phénomènes que le dogme libéral en cours (même suspendu momentanément avec la crise) interdit de percevoir.
Le capitalisme est sûrement encore très vivant dans l'esprit des capitalistes, même dans celui des milliardaires "avouant" ayant perdu 30% de leur fortune en 2008-2009. Mais est-ce une preuve ?
Le discours libéral semble d'autant plus prégnant que la crise systémique voue le capital à sa dépendance accrue à l'ensemble du cycle social et économique, ou l'impact de ses désordres est presque immédiatement ressenti en termes de baisse du taux de profit au cycle suivant.
La vérité du marxisme (l'analyseur du capitalisme, pas le militantisme travailliste surexcité) s'impose ici précisément à l'encontre du volontarisme politique de Marx : ce qui étrangle le capitalisme plus sûrement qu'aucun mouvement ouvrier millénariste, c'est le capital lui-même. Laissons le faire et nous aurons en quelques années la pire bureaucratie éco-socialiste mondiale, simplement comme autre face de sa volonté de survivre dans son fonctionnement global.
Cette métamorphose inexorable, inéluctable tient à l'endettement qui conduit obligatoirement à la mise en tutelle.
Un capitalisme désirant vraiment survivre devrait, en ce sens, être capable de désirer le désendettement massif, celui-là même dont son secteur financier a organisé la mise en place universelle dès qu'il a eu la bride sur le cou, en 1989 (le mur du communisme ayant été symboliquement abattu cette année là). Mais le capitalisme est-il capable de se sauver de lui-même en s'avalant ? Après tout cet être monstreux qui nous incarne collectivement a été capable de bien des prouesses dans le passé.
Mais se représente-t-on bien ce qui est en jeu ici ? Comment un capitalisme "libre", "dynamique", "audacieux", pourrait-il se libérer tel un cheval fougueux des entraves et embûches qu'il a lui-même semées sur son passage, à mesure de ses investissements les plus risqués ?
Des prophètes de bonheur hystériques ont beau nous promettre des avenirs lumineux autant qu'improbables, situés dans des poches de fantasmes de type avatar, la réalité ne suit pas. La seule réalité humaine qui pourrait réellement innover n'a guère besoin de capital, car elle renoue avec une société de convivialité et de temps libre, d'échange direct et sans argent, mais aussi sans folie technologique infantile .
Nous devons plutôt en convenir : la prophétie marxiste du communisme est à nos portes sans militantisme dictatorial pour le porter, et le problème évacué par le soviétisme et par le sinisme (d'ailleurs assez cynique) dans leurs retours nationaux au capitalisme, nous revient en pleine actualité,en pleine face : comment le dépérissement de l'Etat (mondial) est-il possible ? Comment est-il conceptuellement inévitable ? Car il devrait être assez évident pour une intellectualité aux yeux dessillés, que nous vivons pleinement l'Etat mondial encore attendu comme Godot par les intellos marxistes du XXe siècle. Il n'y a rien à y ajouter, rien à retrancher, rien à modifier. Une immense chaîne ganglionnaire d'Etats locaux et régionaux synchronisés par l'horloge mondiale de la bourse : une parfaite synchronisation établie sur la gestion informatisée des flux électriques et électroniques.
L'Etat-Monde n'est rien d'autre que cette machine-monde du marché global et de ses institutions de contrôle, de traduction, de transfert, de régulation. L'électrocratie est Une et Internet est son Agence.
Nous sommes dedans, nous en faisons partie. Notre monde est celui-là et notre champ conversationnel -blogs inclus- a vidé de contenu tous les autres (même ceux qui se croient encore vivants). Notre solitude est celle de la particule civique de cet univers. Notre délinquance est réglée par lui (genre hadopi). Notre agitation, notre créativité sont absorbées par lui. Et il est bien possible que celles-ci -gratuitement et anonymement empochées- compensent en partie la dette gigantesque constituée, gonflée, dérivée en notre nom par la banque.
La seule question qui vaille est : quand cesserons-nous de croire que le grand squelette que nous portons comme les fêtards chinois le grand dragon de papier représente une réalité ? Quand cesserons-nous de croire que le mouvement convulsif des cours boursiers reflète autre chose que le battement végétatif d'un coeur de cadavre ? La réponse est simple : quand nous nous prendrons en charge en personnes et en solidarités pour faire vivre d'autres types de familles, de groupes et de sociétés.
On peut aussi évoquer le conte de Grimm sur l'empereur à poil, mais qui ne s'en rend compte que lorsqu'un enfant de la foule ose le dire. Faudrait-il oser dire, feindre de découvrir que le capitalisme dont on attend indéfiniment le dépassement, après des vagues successives d'efforts historiques est en fait mort et enterré depuis longtemps, et cela sans aucun militantisme révolutionnaire. Certes l'exercice peut sembler passablement sophistique. Mais à l'occasion,il est possible de mettre en lumière d'intéressants phénomènes que le dogme libéral en cours (même suspendu momentanément avec la crise) interdit de percevoir.
Le capitalisme est sûrement encore très vivant dans l'esprit des capitalistes, même dans celui des milliardaires "avouant" ayant perdu 30% de leur fortune en 2008-2009. Mais est-ce une preuve ?
Le discours libéral semble d'autant plus prégnant que la crise systémique voue le capital à sa dépendance accrue à l'ensemble du cycle social et économique, ou l'impact de ses désordres est presque immédiatement ressenti en termes de baisse du taux de profit au cycle suivant.
La vérité du marxisme (l'analyseur du capitalisme, pas le militantisme travailliste surexcité) s'impose ici précisément à l'encontre du volontarisme politique de Marx : ce qui étrangle le capitalisme plus sûrement qu'aucun mouvement ouvrier millénariste, c'est le capital lui-même. Laissons le faire et nous aurons en quelques années la pire bureaucratie éco-socialiste mondiale, simplement comme autre face de sa volonté de survivre dans son fonctionnement global.
Cette métamorphose inexorable, inéluctable tient à l'endettement qui conduit obligatoirement à la mise en tutelle.
Un capitalisme désirant vraiment survivre devrait, en ce sens, être capable de désirer le désendettement massif, celui-là même dont son secteur financier a organisé la mise en place universelle dès qu'il a eu la bride sur le cou, en 1989 (le mur du communisme ayant été symboliquement abattu cette année là). Mais le capitalisme est-il capable de se sauver de lui-même en s'avalant ? Après tout cet être monstreux qui nous incarne collectivement a été capable de bien des prouesses dans le passé.
Mais se représente-t-on bien ce qui est en jeu ici ? Comment un capitalisme "libre", "dynamique", "audacieux", pourrait-il se libérer tel un cheval fougueux des entraves et embûches qu'il a lui-même semées sur son passage, à mesure de ses investissements les plus risqués ?
Des prophètes de bonheur hystériques ont beau nous promettre des avenirs lumineux autant qu'improbables, situés dans des poches de fantasmes de type avatar, la réalité ne suit pas. La seule réalité humaine qui pourrait réellement innover n'a guère besoin de capital, car elle renoue avec une société de convivialité et de temps libre, d'échange direct et sans argent, mais aussi sans folie technologique infantile .
Nous devons plutôt en convenir : la prophétie marxiste du communisme est à nos portes sans militantisme dictatorial pour le porter, et le problème évacué par le soviétisme et par le sinisme (d'ailleurs assez cynique) dans leurs retours nationaux au capitalisme, nous revient en pleine actualité,en pleine face : comment le dépérissement de l'Etat (mondial) est-il possible ? Comment est-il conceptuellement inévitable ? Car il devrait être assez évident pour une intellectualité aux yeux dessillés, que nous vivons pleinement l'Etat mondial encore attendu comme Godot par les intellos marxistes du XXe siècle. Il n'y a rien à y ajouter, rien à retrancher, rien à modifier. Une immense chaîne ganglionnaire d'Etats locaux et régionaux synchronisés par l'horloge mondiale de la bourse : une parfaite synchronisation établie sur la gestion informatisée des flux électriques et électroniques.
L'Etat-Monde n'est rien d'autre que cette machine-monde du marché global et de ses institutions de contrôle, de traduction, de transfert, de régulation. L'électrocratie est Une et Internet est son Agence.
Nous sommes dedans, nous en faisons partie. Notre monde est celui-là et notre champ conversationnel -blogs inclus- a vidé de contenu tous les autres (même ceux qui se croient encore vivants). Notre solitude est celle de la particule civique de cet univers. Notre délinquance est réglée par lui (genre hadopi). Notre agitation, notre créativité sont absorbées par lui. Et il est bien possible que celles-ci -gratuitement et anonymement empochées- compensent en partie la dette gigantesque constituée, gonflée, dérivée en notre nom par la banque.
La seule question qui vaille est : quand cesserons-nous de croire que le grand squelette que nous portons comme les fêtards chinois le grand dragon de papier représente une réalité ? Quand cesserons-nous de croire que le mouvement convulsif des cours boursiers reflète autre chose que le battement végétatif d'un coeur de cadavre ? La réponse est simple : quand nous nous prendrons en charge en personnes et en solidarités pour faire vivre d'autres types de familles, de groupes et de sociétés.
Vive les Pauvres en bêton, car le royaume écologique leur est ouvert (grâce à la crise) !
Reprenant le propos le 8 mars 2012, alors que les créanciers privés de la dette souveraine grecque s'apprêtent à effacer leur ardoise de 75%, la démonstration me semble confiner à l'évidence : le capitalisme est bien mort, et l'époque qui s'ouvre est celle d'un aménagement mondial d'une économie qui n'est plus basée sur la croissance et sur un taux de profit énorme. Presque le même jour, une étude sociologique nous apprend qu'une majorité de gens veulent préférentiellement se réaliser dans leur vie de famille, bien qu'ils soient plus que jamais contraints de travailler et ce pour des revenus limités, "sous surveillance" comme le disait un titre du Monde. Certes, le capital pourra encore trouver dans les BRIC de quoi satisfaire sa soif de plus-value dans le travail sous-rémunéré des "masses laborieuses". Mais pour combien de temps ? Par ailleurs, n'oublions pas que ce qui a stoppé la machine à fric dans son élan fou depuis 2008 a été un mélange de blocage de la consommation des pauvres (laissant sur le carreau des dizaines de millions de logements neufs inoccupables) et de choc des prix de l'énergie.
Tout n'est donc pas,comme le suggère Jorion en oubliant Marx,une affaire de mauvaise répartition des revenus :
il faut aussi prendre en compte,au delà des épisodes spéculatifs absurdes, les limites d'extension du système de la cupidité. Ces limites sont largement atteintes, alors que par ailleurs le lien des réseaux numériques a déployé, nolens volens, une gigantesque sphère d'échanges non rentables parce que gratuits.
On ne peut imaginer une reconquête de cette sphère par la logique du profit (même si certains "Greedy" en fureur tentent de faire passer de lois pour y revenir).
Donc, il faut nous y faire, le capitalisme est mort même s'il ne le sait pas, et tout ce qui se passe est de l'ordre du réaménagement entre régions, comme une grande propagation d'ondes cherche son équilibre jusque dans les plus infimes recoins.
Il existe alors au moins trois dangers associés (que cette fois Jorion voit très bien) :celui d 'une régression par le biais d'un vaste massacre; celui d'un acharnement à la paupérisation par la "rigueur"; celui,enfin, d'un autoritarisme multi-institutionnel (privé-public) tentant de rééditer par la dictature populiste au plan mondial la salvation d'élites dominantes dans le registre politique plutôt qu'économique. Les inquiétudes exprimées plus haut ne sont donc pas déplacées ou inutiles. Mais il faut les tempérer du double espoir que permettent certaines nouvelles : d'une part le capitaliste accepte de participer au coût d'un arrêt nécessaire de la croissance;d'autr part les salariés souhaitent se "réaffilier" à l'idée d'une société au service de la vie familière, et sortent de l'espèce de fasciation droguée qui leur a fait prendre pendant plus d'un siècle la société pour le but de la vie. S'ouvre ainsi, en tout premier indice, la perspective d'une autonomisation (certes fragile et encore dépendante de l'argent), et, dans le même sens,d'une pluralité des façons de vivre,condition sine qua non pour refléte entre nous le respect les limites que notre action doit au monde.
Tout n'est donc pas,comme le suggère Jorion en oubliant Marx,une affaire de mauvaise répartition des revenus :
il faut aussi prendre en compte,au delà des épisodes spéculatifs absurdes, les limites d'extension du système de la cupidité. Ces limites sont largement atteintes, alors que par ailleurs le lien des réseaux numériques a déployé, nolens volens, une gigantesque sphère d'échanges non rentables parce que gratuits.
On ne peut imaginer une reconquête de cette sphère par la logique du profit (même si certains "Greedy" en fureur tentent de faire passer de lois pour y revenir).
Donc, il faut nous y faire, le capitalisme est mort même s'il ne le sait pas, et tout ce qui se passe est de l'ordre du réaménagement entre régions, comme une grande propagation d'ondes cherche son équilibre jusque dans les plus infimes recoins.
Il existe alors au moins trois dangers associés (que cette fois Jorion voit très bien) :celui d 'une régression par le biais d'un vaste massacre; celui d'un acharnement à la paupérisation par la "rigueur"; celui,enfin, d'un autoritarisme multi-institutionnel (privé-public) tentant de rééditer par la dictature populiste au plan mondial la salvation d'élites dominantes dans le registre politique plutôt qu'économique. Les inquiétudes exprimées plus haut ne sont donc pas déplacées ou inutiles. Mais il faut les tempérer du double espoir que permettent certaines nouvelles : d'une part le capitaliste accepte de participer au coût d'un arrêt nécessaire de la croissance;d'autr part les salariés souhaitent se "réaffilier" à l'idée d'une société au service de la vie familière, et sortent de l'espèce de fasciation droguée qui leur a fait prendre pendant plus d'un siècle la société pour le but de la vie. S'ouvre ainsi, en tout premier indice, la perspective d'une autonomisation (certes fragile et encore dépendante de l'argent), et, dans le même sens,d'une pluralité des façons de vivre,condition sine qua non pour refléte entre nous le respect les limites que notre action doit au monde.