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Qu'est ce que la Géo-Anthropologie ? Qu'est-ce que l'anthropologie pluraliste ?


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Dette :
Voir article "Don"

Don (Giving), Cadeau (Gift), Dette :
Don égale Dette

Sourate LXIV (citée par Marcel Mauss). Si vous faites à Dieu un prêt généreux, il vous paiera le double, il vous pardonnera car il est reconnaissant et plein de longanimité.


Bonne nouvelle : l’énigme du Don est enfin résolue ! Nous sommes tous endettés jusqu’au cou. Il ne nous donc reste plus qu’à être généreux en pensant que nous remboursons seulement si nous le voulons. Et d’ailleurs, c’est bien cela qui se passera, car si nous ne faisons pas effort héroïque pour soutenir nos Etats-éponges à dettes financières, nous irons plausiblement à la troisième guerre mondiale, celle qui consistera à dénier à ceux qui nous prêtent (les prolétaires chinois sous le joug de leur marchand de main d’œuvre national) tout droit à exister. Le don est un véritable sacrifice de soi, et évidemment volontaire et sans contrepartie, mais il est signe du soutien au collectif par l’individu. Il n’est de Don qu’envers le Sociétal.


Il y a encore une dizaine d’années les anthropologues dignes de ce nom s’épuisaient à découvrir le sens caché de cette affaire, essentiellement attribuée à Marcel Mauss dans son fameux essai. Le don est-il un prêt ? le don sans retour existe-t-il ? Quelle est la « force » qui oblige à rendre ? Existe-t-il des choses qui ne se donnent pas ? A qui donne-t-on, aux hommes ou aux dieux ? etc. Et chacun (d’Annette Wiener à Maurice Godelier en passant par Alain Caillé) de finir par donner… sa langue au chat, ou plutôt au sphinx d’Alice.

En réalité, bien sûr, comme chaque fois que se constitue dans l’histoire de la pensée, ce type d’attracteur tourbillonnaire, de plus souligné à chaque page du mot « total », cela révèle un point de fascination, et donc un impensé ou un impensable qui refuse de céder. Une fois pris à revers, vu de l’autre côté de l’écran de nos fantasmes, l’illusion disparaît. Il n’y a pas de « force énigmatique » inscrite dans le Don parce qu’il n’y a pas non plus de Don comme forme propre, ou plutôt parce que le Don n’est qu’une façon de nommer un aspect particulier d’un phénomène beaucoup plus fort, beaucoup plus réel, dont il découle à un moment et dans des circonstances particulières, et bien sûr sous des formes différentes.

La condition pour saisir le tableau d’un coup est de commencer par mettre en doute l’idée d’une vie sociale humaine en soi, un bloc anthropique qui serait de toute éternité la même depuis nos ancêtres primates balbutiants jusqu’à notre état mûrissant de mondialisés post-modernes.
Ou plus précisément, il faut devenir capable de bien distinguer ce qui dans l’histoire humaine (différente de l’évolution, ne serait-ce que par sa brièveté relative) constitue des invariants culturels et ce qui change avec des grandes étapes de cette histoire. Pour aller à l’essentiel, disons que l’un des invariants consiste dans la DETTE contractée en permanence par le Sociétal à l’égard du Familier. Expliquons-nous : depuis que l’être humain parle, il se distingue comme bande de primates de la bande voisine très proche par le fait qu’il entre dans « l’ère du raisonnement » comme le disait Rousseau. Ce qui veut dire entre autres qu’il forme des relations qui doivent être durables par le biais de la parole (et de ses facilitateurs de l’image et de l’écrit), mais qui concernent surtout des gens, des groupes, des fonctions etc. avec lesquels il n’aurait rien noué ou seulement de façon éphémère et mortelle dans la période précédente. Si l’on rassemble tout le domaine du « raisonnement » sous l’étiquette « Sociétal », c’est-à-dire un genre de société non pas seconde mais « extérieure » à celle que je constitue avec « les miens », il est clair qu’il se forme sur un ensemble d’activités obligées qui sont prises, ponctionnées, saisies sur l’activité normale de la bande ou du groupe convivial.

Le « don » est donc d’abord et peut-être de manière invariante (en qualité, pas en quantité) un don fait par la société « réelle » à la société « extérieure ». Et dans la mesure où cette société extérieure est absolument liée au langage symbolico-imaginaire (la métaphore), on pourrait dire que le seul fait de parler contient chez chaque individu une part de détournement, une part d’endettement par rapport à l’activité « intérieure » (au groupe de survivance minimal). La « force » qui oblige à rendre le cadeau n’a donc rien de mystérieux : elle réside tout entière dans le fait que les échanges de cadeaux constituent le volet « signature » de l’adhésion exigée au Sociétal, mais nécessairement posée comme acte « volontaire ». On pourrait dire aussi que ce prélèvement obligatoire ne sera jamais remboursé, tant que cette société extérieure devient une fonction permanente, une réalité consubstantielle de l’homme parlant. En ce sens, il existe une dette permanente, absolue et non remboursable qui équivaut au prix du « propre de l’homme » (n’en déplaise à Pascal Picq). Cette dette peut être de temps en temps diminuée par les rétributions que le Sociétal est en mesure de concrétiser : victoires à la guerre, agencement économique meilleur, participation de chacun au « trésor » symbolique, etc. Mais comme l’établissement du Sociétal est nécessairement continu et constant, alors que les rétributions sont discrètes et aléatoires, il existe toujours un côté non récupérable de la Dette, au sens ou le Sociétal est une « perte », dévoilant l’objet perdu qu’était, dans le fantasme, la société petite et maternante qui était supposée (dans beaucoup de mythes d’origines) subsister sans problèmes majeurs jusqu’au jour J.

Pourquoi parler de don à propos d’une dette ? Parce que si le Sociétal ne fait que prendre, cela voudrait dire que le Familier qui le soutient lui est devenu étranger, qu’il n’y a plus de rapport d’analogie entre le Familier et la grande société tel que le premier se « reconnaît » dans la seconde. Mais s’il se reconnaît en elle, le prélèvement qu’elle réalise pour exister ne peut être qu’accordé de manière bienveillante, sans calcul « froid ».
Malgré tout, on peut distinguer ce qui dans le don au Sociétal relève de l’obligation minimale, (et sera donc un don en un sens minimaliste et d’une certaine façon « mensonger », car l’obligation des personnes ou des petits groupes est sans appel) et ce qui, dans ce don au Sociétal relève de l’engagement « enthousiaste » de la personne dans le service du Sociétal : on fait alors beaucoup plus que l’obligation.
Mais ce qu’il faut saisir maintenant, c’est que la partie minimale (et mensongère puisqu’il s’agit d’une obligation) et la partie maximale (le vrai don qui n’est don que de soi au Sociétal) sont absolument liées et ne peuvent exister l’une sans l’autre : sans le prestige attribué à ceux qui donnent « vraiment » (du leur), l’obligation ne peut plus se couvrir du manteau du don et la société risque la division et le démantèlement. Sans l’obligation égalitaire, le Sociétal ne peut pas inventer des positions qui ne vivent que du prestige et justifient la hiérarchie. Mauss distingue bien pragmatiquement les deux comme formes du Don (en regroupant les problèmes de l’obligation réciproque dans un chapitre et les problèmes de la libéralité dans un autre), mais il ne semble pas apercevoir la dimension théorique fondamentale de leur articulation, peut être précisément parce qu’il ne rapporte pas l’une et l’autre à la dette du Sociétal vis-à-vis du Familier (surtout parce qu’il traite le second de « sous-groupe » d’une Société au lieu de l’analyser aussi comme société propre). Il ne peut donc voir que le Familier tout à la fois rechigne à souscrire et contient certains héros « go between » dont la générosité « vraie » entraîne tout le système (un peu comme s’il n’existait pas de vrais savants désintéressés, le Téléthon ne marcherait pas). Mauss donne l’impression que certaines sociétés sont surtout « obligataires » et minimalistes et d’autres surtout somptuaires et fastueuses. C’est qu’il ne peut pas voir (trop à distance de ses objets, et surtout trop emporté dans la trame de la problématique socialiste), que même les sociétés minimalistes où les donateurs ne sont que des dépositaires d’un fonctionnement possèdent leurs « vrais » donateurs, et que les sociétés maximalistes toutes bruyantes de leurs joutes agonistiques de destruction des biens par les chefs, sont aussi fondées sur des mécanismes participatifs concernant tous les membres.

Pour ce qui concerne la dette non récupérable, il est logique qu’elle soit sacralisée et devienne intangible, incirculable, immuable, inaliénable, mais seulement comme représentation du Sociétal lui-même (du fait social « total ») dans le rappel constant (en renaissance permanente) de sa fonction cruciale à la fois de survie du groupe et du choix de celui-ci pour l’humanisation (le fait de parler). Autrement toute personne, pauvre ou puissante, qui oserait s’en prendre aux signes du Sociétal, sont vécues par tout le monde comme voulant détruire à la fois le pacte unificateur et la nature « humaine ». Ce qui ne veut pas dire que ces signes, rassemblés d’une manière ou d’une autre, n’aient pas en même temps et toujours une valeur « économique » au sens où c’est bien comme dette que le Sociétal est sacralisé, et c’est pourquoi les dieux ou les morts savent le prix des choses. Ce sont des témoins objectifs de nos efforts pour faire tenir la société qui seule soutient leur culte. C’est parce qu’il nous en coûte de lui fournir du temps, des subsides, voire nos enfants sacrifiés à la guerre, que nous le respectons comme sacré et ne voulons pas qu’il soit népotisé ou dilapidé. Les Argonautes du Pacifique n’échappaient pas à cette logique, et cela d’autant moins que la société des îles semble toujours en instance de se dissoudre dans l’océan. Il faut vivre dans une île pour comprendre cette inquiétude permanente de se retrouver seuls au milieu du néant, et la tendance à « faire Sociétal » d’une fédération d’îles. Ce qui circule alors tout en faisant retour ressemble bien davantage au mouvement d’une exposition d’œuvres d’art entre musées de différents continents qu’à un échange économique. C’est une circulation représentant en fait une immobilité, une stabilité, celle de l’ensemble des signes du Sociétal à ce moment là, et le Don n’est alors que la technique pratique pour organiser cette immobilité en rendant sensible pour chacun et par sa participation comme sujet (participation étant un mot plus juste que « prestation ») le témoignage de l’appartenance et sa raison d’être. Il ne s’agit donc pas réellement d’une obligation de prendre, de donner et de rendre, mais d’une obligation de participer, même si la participation prend une autre forme que cette « double chaine »). Ce qui oblige, c’est l’engagement du participant dans la seule fonction de témoigner de son adhésion au système sociétal (un peu comme on va surveiller le dépouillement des votes dans un régime supposé démocratique). Il faut s’assurer, civiquement, que personne ne viendra oser mettre la main sur le trésor… représentant l’être public qui nous définit comme humains, et qu’ainsi la dette publique vis-à-vis de chaque entité de vie sociale demeure quelque chose qui ne peut être que consacré à sa nature, et non pas détournée. Il est aussi vraisemblable que l’écrit (qui a fini par intéresser l’anthropologie en la personne de Goody) consiste essentiellement en une meilleure pratique de conservation du sacré, c’est-à-dire en un établissement plus facile de la conservation du souvenir de la dette sociétale immuable. Le virage au comptable qui s’y institue découle du caractère directement économique du sacré en tant que tentative d’ évaluation de ce que le sociétal « doit » en permanence à chaque entité de vie, mais aussi de ce qui ne lui sera jamais rendu, et ce qui deviendra même la fonction centrale du plus haut souverain, quand, comme le dit joliment Alain Caillé, « se creusera la hiérarchie ». Plus la hiérarchie se creusera, et plus comme le montre Pierre Legendre dans une excellente analyse de la bureaucratie « patriote », il faudra que le Sociétal justifie le maintien et l’augmentation de sa dette par des arguties difficultueuses, plus il risquera les révoltes et les révolutions, et plus aussi il tentera de piéger le Familier dans ses propres contradictions afin de ne pas avoir à rembourser quoique ce soit qui ne soit pas sacralisé.

Mais ce faisant… le Sociétal augmentera sa dette encore non seulement par des utilités évidentes, mais par des manœuvres frauduleuses ou, pire, par des menées pathogènes contre la vie humaine. En un sens, la perspective marxiste de dépérissement de l’Etat au stade ultime du communisme, est une sorte de fantasme de réduction de la dette du Sociétal à la portion congrue, ou même minimale dans un avenir où, l’ennemi extérieur ayant disparu, disparaîtra aussi la principale cause légitime de cet endettement.

Revenons au Don. Est-il autre chose dans son essence culturelle invariante que la participation de chacun à la stabilité de la dette du Sociétal et à sa sacralisation ? En un sens non : c’est une technique participative de soutien et de contrôle du sociétal, et absolument pas en soi une activité économique (laquelle résulte seulement du prélèvement massif qu’opère le sociétal sur la vie des gens, quel que soit par ailleurs l’échange économique entre entités ou entre sociétés). Mais nous avons-vu qu’il n’est pas que cela. Le Don est engagement du sujet, prestation au sens de manifestation de prestance pour le prestige. C’est toujours un début de hiérarchie, au sens d’un début de captation d’une fonction de soutien du Sociétal, et donc une tentative paradoxale de « jouer le jeu » tout en y gagnant non des biens mais de « l’avancement » reconnu dans la capacité de protéger la « dette publique ». L’échange économique qui s’y manifeste concerne un « swap » : un troc entre la valeur symbolique de l’objet comme élément de la construction sociétale à protéger, et la valeur alléguée de cette protection.
Le Don (Giving) qui n’est pas à confondre avec le cadeau (Gift) est toujours une avancée de soi dans l’agora pour proposer encore plus de son temps et de ses ressources propres en soutien gracieux de la Dette Sacrée. Le donateur se donne –ou donne des biens qui le représentent et l’engagent, notamment dans le potlatch- pour autant qu’il déclare ne pas chercher lui à s’en faire rembourser. Ou plutôt, si les frais du donateur doivent être pris en charge pour une fonction de conservateur, de vérificateur, de scribe, de défenseur, etc, cette rémunération ne couvrira jamais, ne devra pas couvrir la part qu’il engage purement gratuitement et qui décide de la valeur de son engagement, car ce n’est pas un mercenaire mais un… fonctionnaire dévoué.

On a donc fait totalement fausse route en liant ou en comparant Don et échange marchand : le don n’est pas l’ancêtre de l’échange marchand, ou son contraire, c’est bien plutôt l’ancêtre direct de la fonction publique en tant qu’elle comporte toujours une part de don de soi non remboursé par le Service du Sociétal. Quand la gens romaine ne parvient plus à faire preuve d’assez de générosité pour la fonction d’édile, elle sera remplacée par le célibataire chrétien. Pour l’époque et pour cette société, en effet, il n’est aucune preuve de don de soi plus forte que le maintien volontaire dans l’état d’individu sans postérité. L’Eglise catholique est encore héritière de cette argumentation à ceci près que la valeur de don du célibat s’est effondrée et passe même dans le secteur négatif d’une suspicion de consommation sexuelle homosexuelle, narcissique ou pédophile. En bref, vous ne disposez plus d’aucun crédit de prestige parce que vous prononcez des vœux de célibat.

Est-ce que le Don a à voir avec l’échange ? Non dans le sens de la sphère de circulation des marchandises entre acheteurs et vendeurs (sauf dans le cas très « post-moderne », où consommer et travailler apparaissent comme des devoirs pour soutenir le fonctionnement social). Oui, au sens où le prestige associé au don de soi pour le service sociétal donne droit à disposer –pour le service lui-même- de biens qui le représentent. Une charge donne droit à manifester les éléments d’un apparat qui mobilise plus de valeur économique que le service qu’elle est censée représenter. Certes, ces signes associés à la charge peuvent circuler vénalement pour autant qu’ils ne sont pas seulement gérés par une centralité absolue, mais disposent d’une certaine autonomie. Malgré ce côté possiblement marchand, ils n’en sont pas moins irrémédiablement liés à un réel « manque à gagner ». Lévi Strauss ou Clastres l’ont noté à chaque fois qu’ils ont approché des peuples « sans Etat », où les chefs, non seulement doivent reventiler tous les cadeaux dont on les abreuve, mais sont d’autant plus admirés qu’ils s’appauvrissent réellement au milieu du flux de richesses qu'ils transfèrent des uns aux autres. En somme leur prestige déjà grand ne grandit encore qu’à proportion de leur capacité à en faire encore bien plus que ce que l’on en attend. Voila le Don : il ne s’échange que contre un prestige pur qui, leur étant accordé à peu de frais, appelle plus de leur part toujours plus de don, plus de sacrifice de soi non rétribué.
Ainsi analysé, le paradoxe du retour du Don disparaît : ce qui fait retour, c’est, techniquement, le retour de la sacralité du Sociétal, le signe de sa fixité même dans une société où beaucoup de gens dispersés participent à en continuer le culte. Car le Don en lui-même ne fait pas retour : il exprime même l’impossibilité d’un retour de ce qui a été pris par le Sociétal au Familier, et indique la seule voie pour la rétribution plus grande : l’individualisation de la tâche (à la rigueur la charge étant confiée à une succession de générations de la même famille), et sa rémunération sous forme de pur prestige. Ainsi, du même coup, le Sociétal se révèle-t-il capable de constituer son propre système de valeur en termes de reconnaissance du dévouement.

Pour résumer et conclure cette trop rapide analyse, disons que le Don (Giving) qui n’a que peu à voir avec la technique de stabilisation du Sociétal qui utilise l’aller-retour des cadeaux (Gifts) est toujours d’abord don de soi sans retour et sans rémunération au niveau du « sacrifice ». Cette avancée du sujet sur la scène sociale se rémunère en prestige pour le compte du Sociétal mais dont il entend partager avec lui le bénéfice en tant que personne se situant dans un environnement familier. Le véritable échange que le Don organise est donc celui-ci : Don contre Prestige. Le Don est une prestation personnelle issue d’une familiarité (d’un milieu, d’une région, etc.) et adressée comme sacrifice toujours supplémentaire de soi (par rapport à la norme imposée à chacun dans cette société là, même si cette norme impose déjà aumône ou même don anonyme), et volontaire. En tant que tel le Don est une opération de séduction, « hystérique » qui prétend intéresser le Sociétal à partir de ce que l’on est « en personne » et « en famille ». Il demande « en échange » un excès de reconnaissance de la part du Sociétal, sous forme de la mise en scène et de la production d’un prestige spécial. Ce faisant, le Don oblige le Sociétal en ce sens précis qu’il le contraint à produire du prestige en fonction de critères induits par le donateur. C’est pourquoi également, le Sociétal essaie, sur le long terme, d’échapper au Don pour organiser la rétribution de ses serviteurs en fonction de ses propres critères qui sont bien davantage ceux d’une mesure mathématique de la distribution. C’est ainsi, dans une résistance forcenée à la logique du Don que les organisations sociétales qu’on appelle souvent les Etats inventeront l’économie comme équivalence calculée des échanges. Celle-ci, une fois inventée, se propagera à la surface des échanges marchands réels jusqu’à les exprimer dans son langage.

Chacune des propositions de cette note doivent être « dépliées » et le sont notamment dans le blog « Crise économique et sociale » de Denis Duclos. Lire notamment d’Alain Caillé, Du don comme réponse à l’énigme du don, L’Homme, 142, avril-juin 1997 pp 93-98. Et sur l'ensemble du problème, de ce même auteur, Anthropologie du Don, le tiers paradigme, Desclée de Brouwer; Paris, 2000. Un retour direct à l’article-livre de Marcel Mauss est aussi recommandé :
produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca
Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt

Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"
Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm








Douglas (Mary) :
Cette grande anthropologue britannique récemment décédée a tenté de reprendre l'héritage de Durkheim dans la divergence qu'on peut y voir avec sa propre "postérité" structuraliste en France.
Pour nous, sa représentation de la culture comme d'une opposition substantielle et universelle entre la préoccupation du groupe comme ensemble face aux autres et de la structuration interne, est une élaboration du tétrapode de Durkheim autour du suicide : acte social par excellence, celui-ci se manifeste en effet soit comme anomique (lorsque la société ne produit ni groupe ni structure), soit comme fataliste (lorsque la société ne produit que de la structure et pas de solidarité de groupe), soit comme altruiste ( lorsque la société induit structure et solidarité), soit comme égoïste (quand la société induit une solidarité,mais pas ou peu de structure interne). Cette élaboration, valable pour toutes les cultures, demeure substantielle et empirique : c'est la situation concrète qui détermine le type de société (ou d'institution) et son type d'acte. Le structuralisme, par exemple, celui de Philippe Descola, oppose à Mary Douglas la contrainte de la logique pure. Ainsi, les sociétés qui ont toutes recours à la nature pour se comprendre voire se structurer elles-mêmes, le font selon quatre modalités logiques principales (les autres étant intermédiaires entre elles : soit nous considérons que nous appartenons entièrement à la nature, sauf pour la science qui en permet la description.
Soit nous pensons que la nature obéit à l'esprit et en est pour ainsi dire l'incarnation. Soit nous pensons que nous sommes séparés de la nature (mais aussi liés et engagés) comme des parents sont séparés par leur statut. Soit enfin, nous en sommes séparés par le fait que nous fonctionnons de façon similaire à elle, et donc distincte. Nous pouvons certes utiliser chacun de ces raisonnements en alternance ou en même temps sur des échelles et des segments différents. Mais ils tendent à définir quatre grands types de logique sociétale : plutôt scientiste, plutôt religieuse, plutôt animiste ou plutôt totémique. Au premier abord, rien de comparable entre la tradition structuraliste française et l'empirisme britannique, même quand tous deux convergent au niveau d'une théorie générale des cultures. En réalité, il existe une solution simple qui crée relation entre les deux types de raisonnements.
Voir aussi : Anthropologie, culture, tétrapôle

Dérive :
La "dérive" vaut aussi bien pour celle des continents que pour celle des esprits, qui nous intéresse ici.
Elle dénote l'intervention constante d'une force -souvent non perçue- par rapport à un parcours, et expliquant l'éloignement progressif de celui-ci par rapport à un chemin plausible ou probable. Par exemple, nous constatons dans l'histoire des cultures humaines, une "dérive" vers l'unitarisme englobant, là où l'histoire des autres cultures animales propose le plus souvent un schéma d'alternances, d'équilibres, de cycles visant à restaurer un certain niveau de "dispersion". La dérive n'est pas contradictoire avec le cycle qui peut en former une étape, ou une image fractale.

démocratie pluraliste :
On a pu parler de "démocratie populaire", et de "market democracy". Il faudrait désormais ouvrir une place au concept de "démocratie pluraliste", qui accepte en son sein non seulement la diversité des désirs soutenus par le marché "walrasien", mais une pluralité de positions antagoniques, irréductibles à la domination d'une minorité par la majorité. Il s'agit d'une pluralité de façons de produire et de vivre. Si celle ci n'est pas admise (au delà d'un multiculturalisme superficiel) nous devons nous attendre à ce que grandisse la "haine de la démocratie".

Nombre d'analystes de la démocratie admettent que la logique binaire majorité/minorité qui régit encore la quasi-totalité des Etats démocratiques est largement contestée, et qu'elle devra faire place un jour ou l'autre à une logique de négociation des minorités entre-elles, un peu comme entre les Nations, la souveraineté de la petite comme de la grande permet d'organiser une conversation où la fiction de l'égalité des participants doit prévaloir. La question est de savoir quelles "minorités" sont invitables à la table de négociation, puisqu'à la limite, chaque individu est une minorité. Nous proposons le concept de "démocratie pluraliste" pour inciter à la réflexion sur une forme acceptable de reconnaissance des différences par ensembles symétriques de grandes 'façons de vivre". Ainsi opposer dans un débat de société le monde des petites villes, celui de la nature, celui des hauts lieux de culture et celui des communications et de leur technologie pourrait sembler plus pertinent que de créer des commissions pour "représenter" tel type de handicap ou tel choix sexuel, qui sont certes des "minorités", mais qui restent incluses dans le modèle général (et le revendiquent !), sauf pour leur trait spécifique. Notons d'ailleurs que la théorie de la pluralité supprime purement et simplement le recours à la notion de "minorité". Elle est remplacée par l'idée d'un choix de façon de vivre impliquant une souveraineté partielle dans la conversation générale.
Voir aussi : Antagonisme, agonicité, conversation culturelle, Anthropologie, Impensable, impensabilité (de la société mondialisée), Pluralité

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