La nature du Média : faire tenir la fiction du monde commun

Renaud Revel a fait triompher la médiocratie en 2002. Régis Debray avait manqué de peu l'essentiel avec sa médiologie ! Ah l'embarras des mots. Quoi qu'il en soit, il s'agit des fameux médias. Et ce qu'il y a à en dire est au fond très simple : le média, dans son infinie diversité et sa masse virtuelle géante n'est que l'expression de tout ce qui peut se dire. Or tout ce qui peut se dire, et surtout ce qui peut facilement se dire, ou se dire obligatoirement n'a que très peu d'intérêt. S'il s'agit d'un théâtre et d'un spectacle, c'est de ce qui tombe, par petites censures et petites passions d'intérêt, dans le "main stream", le grand égoût collecteur des passions moyennes, des raisons moyennes, des commentaires ordinaires, d'une vie réduite à l'ordinaire des angoisses et de leurs réponses au petit pied (de casse). De cette immense médiocrité comme réponse moyenne aux demandes de chacun pourquoi se préoccuper ? Pourquoi s'en indigner ? Pourquoi en exiger davantage ? Pourquoi également déprimer de n'y pas pouvoir monter sur scène ? D'être tenus parmi les milliards de petits réduits aux yeux et aux oreilles tandis que les "Grands" y parlent" plus souvent qu'à leur tour ? Nous sommes invités à la sagesse par ce grand vent d'indifférence quadricolore et hexasonore... La sagesse, c'est de reconnaître que notre reconnaissance tient toujours bien plus à l'amour de très peu de gens, qu'au verbiage infini des gens de peu occupant quelques studios et croyant y détenir quelque pouvoir. Ce qui reste intéressant dans le média, c'est qu'il déploie mieux qu'un rêve la multitude de têtes et de décors, de sons et de chants qui incarnent tour à tour pour nous l'Autre. Et dans cette usure des grains de sable de l'altérité, nous apprenons peu à peu que la vraie pluralité passe non pas dans le médium, infiniment dilatable, mais entre des mondes complets, disposant éventuellement chacun de leur muraille médiatique. Or pour le moment, ce n'est pas le cas et nous n'imaginons pas sans cauchemar, qu'il pourrait en être autrement. Dans ce monde de bruits familiers provenant de partout, nous ne supporterions aucune plage de silence (sauf en minute publicitaire), aucun vrai brouillage en provenance d'un "autre" monde irréductible au nôtre.