Par Jean Philippe CORNELIS
Docteur en Anthropologie à la Sorbonne
Emule belge de Rabelais
Grand croix du chou fou de Bruxelles
Grand cru James Ensor (et n’y reviens jamais !)
Ces derniers temps, les pires étrons du capitalisme sauvage nous ont giclé à la figure, abîmant -jetant sans vergogne dans l’abîme- les plus faibles.
N’étant, en principe, pas opposé à un entrepreneuriat de type weberien, à condition de respecter l’équilibre entre entre-prendre, entre-donner et entre-partager, on peut en tous cas dire que Francis Fukuyama, qui prédisait la fin de l’Histoire et la victoire définitive du capitalisme, doit en tous cas rire jaune (je ne suis pas raciste) et manger son chapeau tous les soirs, avec de grosses indigestions, l’économie étant une science encore beaucoup plus complexe qu’il ne l’avait cru.
Si Marx se plaignait que ses droits d’auteur de « Das Kapital » ne couvriraient jamais ses frais de cigares pour l’écrire, RE-approprions-nous, après abus de biens sociaux, quelques Havanes des banksters pour humer avec lui et Ernst Bloch quelques excellents Principes Espérance, même si l’Histoire peu à nouveau se fourvoyer et nous rend vigilants.
Un des plus grands génies de l’humanité, Héraclite, précurseur par son concept de Panta Rei, Tout recircule, de l’intersystémique, et par son deuxième principe, celui de l’équilibre des contraires impliquant l’exigence de la régulation et du contrôle, nous rappelle pourtant, aussi bien que le concept du Darma dans d’autres civilisations, que nos vies sont prises dans d’immenses jeux de flux physiques, biologiques, psychiques, subjectifs, objectifs, intersubjectifs et mythologiques et/ou transcendentaux.
Ainsi l’équilibre psychique de l’homme est-il e.a. déterminé par l’équilibre entre quelques picogrammes de dopamine et de sérotonine et par quelques dégrés de températures viables entre 36 et 41°C , le moindre déséquilibre le rendant soit dépressif, soit amorphe. (Puis-je en reprendre une pincée, merci.)
De même, les flux climatiques, mal gérés et exacerbés, risquent-ils aujourd’hui de déstabiliser nos éco-systèmes et leur fragile homéostasie viable.
Les flux financiers dans le Monde sont aussi ces flux qui nourrissent les hommes, du zéro dollar -signifiant la mort d’un homme- au 1 dollar par jour, jusqu’aux centaines de milliards de dollars des milliardaires apoplectiques.
Mais quel est donc ce système qui rend les hommes bleus d’asphyxie et de mort, en spéculant sur leurs aliments, leurs matières premières, leur énergie, dans l’économie-casino de ses affidés, organise la sous-enchère salariale mondiale jusqu’à l’esclavagisme, détruit les éco-systèmes et les biotopes sin virguenza, pille l’Etat de ses resssources par la poujadisme fiscal, vend, pour encore plus le déstabiliser, les bâtiments de l’Etat, instance par essence pérenne, pour un croûton de pain à ses affidés, pour ensuite les relouer à des prix fous et avec déductibilité fiscale, ce qui correspond à un triple coup d’Etat ?
Quel est ce « parti bleu » qui nous fait croire, sans rire, qu’il n’y a plus d’argent, qu’il faut faire ceinture, alors que derrière les rideaux parfois peu pudiques de l’économie-casino à Monaco, les bacchanales mortifères continuent ?
Quel est ce parti bleu qui après tout cela a encore le culot d’appeler le cadavre étatique à sa rescousse pour que la fête mortifère et parasitaire de la spéculation, sans la moindre production de richesse réelle, continue ?
C’est pourtant à la régulation de l’ensemble de ces flux, e.a. financiers, que les politiciens de la Cité ont renoncé, croyant à une sorte de magie de la Main Invisible régulant ces flux. Mais faut-il rappeller qu’à l’époque, les cerveaux des tenants de la Main Invisible et du « Laisser faire, laisser passer » étaient eux-mêmes imprégnés de conceptions morales très fortes, soit d’inspiration religieuse, soit d’inspiration des Lumières, ce qui n’est plus le cas des dévoyés ou même voyoux d’aujourd’hui, qui ont perdu tout repère éthique.
Et pourtant nous avons, en Europe, un chanoine de Latran, une fille de pasteur et un néo-converti au catholicisme, qui, adossés à l’autre partie de l’ogive par un travail maçonique et laïque et l’apport des autres religions, pourrait donner une autre allure à notre Europe aux aspirations réellement humanistes.
Pauvre Europe des boutiquiers, disait Tindemans, aujourd’hui on ferme boutique pour éviter la folie et la banqueroute, alors que paradoxalement tous sont en route vers leur banque !
Mais plutôt que de se lamenter sur cette triste Comédie Humaine, pourquoi ne pas se raconter quelques histoires au coin du feu de nos passions et désillusions, puisque, par ses secousses thérapeutiques, le rire nous soulage un peu de tous nos maux ?
Ainsi, les différentes tribus, furieuses d’avoir été dupées, avaient organisé un guet et une chasse à l’affût pour voir atterrir les parachutes dorés dans la jungle, les lois de la gravité poussant les banksters cavaleurs à se poser un jour quelque part.
La chasse fut fructueuse mais incertaine, car d’aucuns avaient de grosses liasses de billets dans leurs poches et négocièrent illico leur échappée. Certaines tribus, inattentives au captif, récupérèrent de précieux morceaux de parachutes et les mirent sur leur front en implorant le ciel : « A moi les pépites ! ».
Mais dans l’ensemble, la fureur populaire étant très grande, la plupart des banksters furent ramenés, attachés pieds et poings liés comme dans mon journal d’enfance : Le Petit Belge, vers le rôtissoir.
A partir de là, je préfère vous lire des extraits d’un livre de recettes de cuisine que j’ai trouvé, égaré dans le village :
-Embrochez vigoureusement la bête et ne vous laissez pas impressionner par ses hurlements porcins : c’est pour son bien et pour alléger sa souffrance !
-Vérifiez bien s’il n’y a pas de poches de graisses apoplectiques cachées quelque part, car elles peuvent exploser en flammèches flamingandes dangereuses sur le feu, et on en trouve dans des endroits inattendus :
Il y a ainsi les poches marquées PFB, paradis fiscal aux Bahamas, mais il y a aussi M, pour matelas, ou TC pour talon de chaussure, mais la place favorite et la plus fréquente est, coup de pied métonymique : TDC, signifiant trou du c.., ceci étant aussi un coup de pied métonymique, mais méfiez-vous, car en embrochant la bête, vous avez pu faire remonter les fafiolles jusqu’à la gueule.
N’ayez pas peur de trouver des actifs toxiques, car ils ne les planquent jamais dans leurs propres poches (figuré possessif, pas le truc des bidons propres, très très loin de là), mais plutôt dans les poches des autres.
-Dès que vous aurez fait tourner la broche, vous aller entendre un furieux et démentiel bruit de bling-bling vous cassant les oreilles : c’est le stade de la purification de la bête, avec des éjections brutales de pièces de monnaie rougeoyantes et de flots de dégueulis et remugles de dollars sortant de partout.
-Faites cuire à petit feu jusqu’à ce que le bling-bling s’atténue et s’éteigne de lui-même : la bête est alors à point.
Selon les rites, croyances, audiences et traditions culturelles différentes des tribus et villages, les uns seront mangés pour assimiler la puissance redoutable de leur cerveau : vous pensez : quatre cent fois plus que le citoyen modal, cela doit attirer des convoitises !
Néanmoins, ceux qui firent l’expérience anthropophagique ne constatèrent aucune augmentation de rendement et se sentirent un peu floués par ce faux EPOFRIC qu’ils convoitaient tellement.
Mais d’autres finirent par croire au mythe du Surhomme-facteur 400, et se croyant guerriers invincibles et dits surcompétitifs dans le langage managérial, déclenchèrent des guerres sanguinaires et redoutables, un peu comme celles que nous avons connues avec les nazis.
D’autres tribus assimilèrent la substance dans leur corps et dans leur sang, pour assurer la résurrection de la victime et sa rentrée au paradis, tandis que d’autres encore les laissèrent en vie, croyant en leur possibilité de réhabilitation, et, après avoir concocté et réchauffé la victime à petit feu jusqu’à ce que la zone cardiaque soit complètement décongelée, les entendirent proclamer tout euphoriques : « J’ai entendu une voix céleste d’un ange gardien, Pascal, qui m’a susurré : Le Fric a ses raisons que le cœur ne reconnaît pas… ou… euh pardon…le cœur du fric fait perdre la raison… ou encore, je ne sais plus, serait-ce… Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ? S’emparant d’une guitare, ils se mirent à chanter des chansons de Sœur Sourire et travaillèrent plus tard dans des ONG, mais chez certains le fameux virus EPOFRIC était profondément tapis dans leurs cellules et ils eurent des rechutes redoutables, reconvertissant ou réinfectant, chacun selon son avis démocratique, des tribus entières.
Au milieu de ces villages trônait un immense Taureau d’Or : il paraît qu’il est de la race de Vilvorde et qu’il s’engraisse à la bière ; a son cou une etiquette : Qui a bu boira, de toutes façons ça me raportera.
Un vicomte réputé, en casque colonial et culotte courte, s’était reconverti en vendant, sur un tout petit tatami et à un prix démentiel, des cacahuètes : « Qui rendent FORT ! ».
Dans certains villages, un être dénommé Ministre des Thermes, des Termes et des Terminus, triple casquette prestigieuse, errait livide, avec une pancarte sandwich sur le dos : Où vais-je et qui suis-je ?, même qu’un Marabout, pris de pitié, lui conseilla de consulter un certain Démosthène qui promettait toujours d’éclairer votre lanterne, votre long terme ou, c’est selon, votre So Long Leterme, a interpréter de différentes façons.
Au milieu du village trônait une immense assiette de couleuvres bleu- azur, avec une indication : Pour le Ministre des Finances, mais elle resta désespérement … remplie. Il parait qu’il était reparti murmurer à l’oreille des très très riches, abandonnant sa classe moyenne actionnaire à son triste sort, parce qu’il ne voulait absolument pas vider son assiette, mais on ne peut pas calomnier quelqu’un sans preuves, bien qu’il soit très malin pour brouiller les pistes.
Autour de l’assiette s’afférait un journaliste crépusculaire, tendant frénétiquement de changer l’étiquette « pour D.R. » en « E.D.R. », mais personne ne voulut le croire et ne fut dupe.
Au bord de l’assiette, un certain Richard, pris de doutes, fut sur le point de ressortir son petit livre rouge de sa poche où il l’avait précieusement blotti et conservé pendant tant d’années.
A la banque, enfin rebaptisée For Tous et plus For This, un employé zélé proposa de distribuer gratuitement des tape-mouches à toute la population, avec la mention : « Avec celle-là, vous n’en raterez pas une ! », mais après des nuits de délibérations houleuses du département de communication, celui-ci estima que cela pourrait se retourner contre eux.
A la Banque centrale européenne, un Grand Radin réputé avait tout à coup énormément d’argent pour sauver les banksters, alors qu’il n’avait jamais le moindre kopek pour sauver les pauvres.
Ferait-il partie de la Nomenclash-tuera , ou tu auras, je ne sais plus, cette nouvelle alliance mondiale entre la Maffia, La Loge P18, les Yakuzas et une résurgence de la Banque Ambrosiano, pilotée par l’Opus Tui, à ne pas confondre avec l’agence de voyage du même nom, sauf qu’ils font voyager des capitaux aussi ?
Enfin, dans les villages encore pris dans la tourmente, toutes les tribus organisèrent à leur façon leurs rites de passage pour se réconcilier avec l’irréconciliable, et purent ainsi retrouver un peu de « flux de la sérénité ».
• *Ouvrage en préparation, en quête d’éditeur
• Ce texte a été refusé en « Carte Blanche » par « Le Soir »
• sous l’hypocrite raison : Il n’y a plus de place (William Bourton)
• mais plutôt pour surprotéger qui vous savez
• Il est en diffusion libre et gratuite dans tous les médias de bonne tenue,
• remettant l’homme et son émancipation socio-économique et culturelle
• au cœur des préoccupations
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