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Le paradoxe de la société antisociale (Apologue de la société suicidaire) Debra
Analyse intéressante.
Je relève plusieurs fois le mot "organique", et aimerais bien savoir comment vous l'entendez appliqué à des contextes sociaux. Je pense qu'une des conséquences les plus attendues ? d'un cartésianisme qui privilégie une conscience très volontariste et positiviste est de ne pas pouvoir voir/imaginer l'étendu des phénomènes régissant la vie sociale qui restent dans l'ombre, comme la lettre volée, compromettante, est dissimulée en pleine vue. Il m'est arrivé de recevoir des patients qui me disaient qu'un de leurs buts dans l'existence était de ne rien devoir à personne. De ne pas avoir de dettes... Là, on peut voir à l'oeuvre une foi ? croyance ? sociale et individuelle que la sacrosainte (et idolâtrée...) liberté égale autonomie. La dette perçue comme dépendance. La liberté une valeur absolue sans la moindre contingence. (En passant, ce but est aux antipodes de la phrase de Deuteronome (ne parlons pas de l'Evangile) qui commande : "ce que tu as reçu de tes pères, hérites-le pour pouvoir le posséder". Là, pour le coup, il y a... dette... et devoir, qui plus est.) On peut dire que celui qui a une dette est également celui à qui... on a fait crédit...(Il est intéressant de remarquer que la relation dette/créance est source d'inégalité, n'est-ce pas ?) Et celui à qui on a fait crédit est celui qu'on a... cru. Celui qu'on a cru... sur parole ? non, plutôt sur papier, en ce moment. (Mais au fait... POURQUOI on croit quelqu'un ? Y a t-il.. DE BONNES RAISONS pour croire, ou ne pas croire quelqu'un ? Surtout..s'il est à l'autre bout de la planète, et qu'on ne voit pas son visage, ou même encore... s'il n'a même pas de visage ??) C'est extraordinaire que Freud a érigé tout un ensemble de pensée sans trop se demander quel pouvait être le rôle de la foi/la croyance dans la vie d'un individu, mais... d'une société aussi. Par préjugé scientiste, je crois. C'est un.. trou ? une absence bien significative aux yeux d'une analyste. Quand on perd la foi, et qu'on ne ne croit plus, qu'on est déçu, et bien, quand les croyances sont aussi... infantiles qu'elles le sont dans notre civilisation éperdument progressive, la déception prend la forme d'une conflagration, comme j'ai dit ailleurs sur ce site. Vous parlez d'une société morte. Vous êtes sûr que la société PEUT mourir ? Je n'en suis pas si sûre. Elle peut donner envie à ses membres... de mourir, mais.. peut-être, comme le fichu Verbe, elle... "bleibet in Ewigkeit"...Se souvenir que Jésus a dit que là où il y avait trois ensemble en son nom, etc etc....Non, peut-être que la société est éternelle, et que nous sommes.. condamnés à nous la coltiner, à l'extérieur, comme à l'intérieur, d'ailleurs, jusqu'à notre dernière souffle...Une pensée déprimante ou révoltante pour les individus qui croient à la possibilité d'une liberté individuelle sans contingence, mais..bon. La place d'un sujet singulier dans une société donnée peut varier considérablement, selon la valeur que le corps social (c'est nous...) assigne à un sujet singulier. De manière assez ironique (et paradoxale) , la valeur elle-même surgit dans l'acte de sortir du lot (élire). Valeur positive ET valeur.. négative, mais valeur, tout de même. La possibilité d'assigner une valeur disparaît et s'effondre sans la possibilité de.. sortir du lot. Je crois que vous avez pointé ce qui me semble le plus significatif dans votre analyse : le phénomène de paradoxe lui-même. N'est-ce pas lui le plus intéressant ? Pourquoi cette structure de paradoxe derrière la construction sociale ? Pourquoi la société EXIGE ses paradoxes ? Je hasarderai l'idée que la tension dialectique ? (pour employer un mot que j'hésite à employer, car je ne suis pas philosophe, et il me met mal à l'aise) derrière le paradoxe signe le travail du langage, du symbolique lui-même dans la nécessité de créer des oppositions distinctives d'où la signification (meaning) se dégage. Or, à l'heure actuelle, mais probablement à toutes les époques de manière plus ou moins confuse, nous percevons que le... symbolique ? (langage, plus institutions créées par ce langage, dont le fric...) a son propre agenda. Il nous rappelle qu'il nous échappe, qu'il peut travailler pour son propre compte, et pas pour nous. Nous avons cru... nous croyons, pouvoir le maîtriser par notre volonté pure, mais... l'observation, de mon point de vue, ne permet pas de vérifier cette hypothèse ? croyance ? (En passant, toute la pièce de "Macbeth", comme la plupart des grandes tragédies de William, explore la tragédie de notre rapport au langage, et comment nous nous faisons constamment.. avoir. C'est pourquoi William continue à nous fasciner, à mon avis.) Le symbolique nous dépasse sur le plan de l'individu, mais tout autant sur le plan social. Alors, dans cette perspective, qu'y a t-il à observer ? conclure ? du fait qu'on appelle "dépression" le grand krach boursier mondial en 1929, ET l'état psychique dominant de tant de nos concitoyens ? Pourquoi ? En sachant qu'employer "dépression" pour l'un et l'autre tisse des associations dans nos petites têtes de mammifères bien (ou mal) pensantes ? (La lettre dissimulée en pleine vue) Sans conséquence ? Un hasard pur ? Je ne crois pas... Entre autres phénomènes que je déplore de la modernité, il y a l'absence d'une approche ne serait-ce qu'un peu.. talmudiste pour remarquer que les signifiants individuels ne sont pas... la masse gluante et paralysante de la signification, lieu idéale pour toutes les... spéculations, n'est-ce pas ? Et quoi de plus aliénant que de reprendre à son compte les signifiants mêmes qui nous réduisent à.. de la signification pure, et autant de contenus.. indifférenciés ? Non à.. "la masse". Résistons... Un mot, dans le fond, a autant de valeur... qu'une pièce de monnaie (ou une transaction électronique) , n'en déplaise à ceux qui pensent le contraire... Ecrire une réponse
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