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Expliquer enfin la haine envers les Juifs / Why such a hatred towards the Jews ? lydia therond
Je vous remercie pour ce point de vue assez percutant. Il est assez rare de présenter l'antisémitisme comme étant "marié" depuis toujours avec le christianisme. Bien sûr, cela ne veut pas dire que la part des chrétiens tombent dans cette attitude haineuse. Mais ils y sont invités, comme vous le dites, par la peur d'être eux-mêmes tenus pour responsables de la mort de Dieu. Je trouve que l'article récent du monde diplomatique (de Pierre Daum, je crois) sur l'Autriche corrobore vraiment ce que vous dites : on se rend compte maintenant que l'Autriche a été le foyer le plus actif de propagation de l'antisémitisme avant la deuxième guerre mondiale et pendant la guerre. Or les Autrichiens sont encore "hyper-catholiques" , peut-être parce qu'ils se sentent héritiers du saint empire romain germanique qui faisait et défaisait les papes avant l'an mille. D'un autre côté les juifs très nombreux à Vienne , dans une tradition de paternalisme des empereurs vis-à-vis d'eux. Peut être que c'est la destruction de l'Autriche-Hongrie après la guerre de 1914 qui a poussé les Autrichiens à laisser tomber ce paternalisme "bon enfant", pour se persuader que c'était les Juifs qui étaient auteurs de cette destruction. On sent bien cette amertume dans "l'Homme sans qualités" de Robert Musil.
henry-paul
Bonjour. Je suis assez d'accord avec Lydia. Mais il y a un 'big problem' avec votre analyse : pourquoi les Islamistes semblent-ils encore plus pétris de haine vis à vis des Juifs que les Chrétiens ? Il y a quelque chose qui ne colle pas.
denis
Cher Henry-Paul, votre objection semble imparable et désastreuse pour mon hypothèse. J'essaierai cependant de la défendre aussi simplement que possible. La religion musulmane est postérieure de plusieurs siècles au christianisme. Elle a donc donc dû faire la place à son propre message par rapport au christianisme principalement, et secondairement par rapport à la 'première' version du monothéisme. Le message musulman est plutôt un 'retour' à une sorte de pureté du monothéisme, à quelque chose qui aurait été perdu ou trahi par les les deux autres religions du livre. Ce retour implique une sorte de restauration du rôle de Dieu comme juge, comme arbitre suprême, rôle qui aurait été diminué par l'alliance mosaïque, et carrément supprimé dans la variante chrétienne de l'humanisation de Dieu. En conséquence, nul besoin de haïr les Juifs comme tenant lieu de leur propre 'crime' symbolique envers Dieu, puisqu'au contraire les musulmans ont le sentiment profond de restaurer le respect dû au juge suprême. S'il peut exister une inimitié, voire 'des' haines, elles peuvent être justifiées par des situations empiriques ou par le thème d'une infidélité 'relative', et plus précisément par le reproche de laisser trop de place à l'interprétation humaine des lois divines. Reproche, de toute manière plus 'doux' que celui d'avoir simplement aboli la transcendance en laissant mourir Dieu lui-même (ou son fils de nature également divine). J'essaie seulement de dire qu'il n'y a pas là de cause théologique à un mécanisme de refoulement de type 'ce n'est pas nous c'est les autres qui avons tué Dieu'. En revanche, il peut exister, depuis notamment la situation créée par l'empire britannique après guerre, une cause constante de haine entre des peuples très proches. Et dans la mesure où la politique internationale a été dictée -de fait- par l'Occident chrétien depuis le XIXe siècle, la haine contre les Israéliens peut venir représenter une haine plus générale contre cet occident dominateur. On n'est donc pas dans le cas d'une haine 'directe', contre une religion parente à laquelle on impute sa propre culpabilité, mais dans une haine 'déplacée', indirecte, visant au pire la 'trahison des juifs' comme alliés des Occidentaux. Admettons que la haine soit adressée à l'Occident à travers les juifs supposés eux-mêmes être identifiables exactement aux Israéliens, quel est le contenu de cette haine ?
Je ne crois pas qu'elle ait un contenu théologique consistant , sauf à retrouver dans l'Occident moderne, laïque,voire athée, la conséquence ultime d'un abandon de l'arbitrage divin dans le fonctionnement mécanique que permet la technoscience. Or ce fonctionnement mécanique est éminemment criticable de toute une série de points de vue, et pas seulement du point de vue du monothéisme. De sorte que la haine islamiste envers l'occident peut paraître pour certains occidentaux révoltés, motiver un combat très proche du leur. Et c'est là que les choses se compliquent, avec un risque de relance d'un vieux cercle vicieux : si l'on considère la haine de soi occidentale à partir d'une nostalgie de l'ancien arbitrage humain et divin, on peut facilement retomber dans le piège d'envisager un bouc émissaire comme responsable : et alors, très vite, l'ancienne figure du juif 'déicide' fait retour, comme redoublée cette fois de la haine islamiste envers l'israélien-complice de l'Occident. C'est ce redoublement de deux personnages imaginaires sur la même figure du juif qui donne alors l'impression d'une haine islamique plus grande, Mais en réalité, c'est plutôt une sorte d'appui tactique, de recoupement par le hasard de l'histoire qui donne cette impression. C'est aussi ce retour détourné qui peut donner l'impression d'une alliance entre islamisme et gauches radicales occidentales critiquant le système capitaliste comme leur système. Mais, de même que les marxistes 'pro-chinois' se trompaient quand ils pensaient voir dans la Chine maoiste le 'vrai communisme' (alors qu'il s'agissait d'une mouture historiquement située d'un 'nationalisme chinois' de très haute antiquité), de même les 'gauchistes' occidentaux actuels se trompent-ils lorsqu'ils croient voir une convergence réelle entre la haine islamiste et leur propre haine envers 'leur' occident. La haine intérieure à l'Occident (comme concept culturel et historique) crée certainement une hésitation, une oscillation entre une nostalgie des modes d'arbitrage anciens et une course en avant vers plus de technoscience appliquée à la gestion des populations. Mais elle n'est certainement pas dirigée vers la restauration d'un régime théocratique. Et comme elle ne l'est pas (ce qui en un sens, est évidemment plutôt positif de mon point de vue), elle reste fragile à la tentation de se trouver des boucs émissaires. On le voit notamment à la vulnérabilité de ces 'gauches' devant toutes sortes de 'conspirations' possibles. Cette 'conspirationnite' me semble être un danger véritable de désorientation profonde des mouvances contestatrices actuelles. La capacité de s'y perdre dans une haine sans rivages me semble, à tout prendre, pire potentiellement que celle qui est délimitée par la volonté d'autodétermination des peuples musulmans, combien même les excès ouverts par celle-ci ont pu atteindre la monstruosité. denis
Merci de votre lettre. La montée de puissance à l'heure actuelle de très nombreux blogs antisémites (derrière des obsessions diverses relatives à des complots) oblige à prendre parti. On ne peut laisser comme cela la machine à haine recharger ses batteries. Jusqu'à un nouveau point d'explosion meurtrière ? Mais il faut aussi expliquer pourquoi, un peu comme les ouragans des Antilles se forment toujours de la même façon, la haine sociale finit toujours en Occident par s'enrouler autour d'un noyau antisémite. Car on pourrait penser que c'est très étrange, si l'on excepte le point de redéclenchement permanent que peut être la politique d'Israël en Palestine. Tout le reste n'aucun sens et le fatras de bêtises remué par cet esprit de 'dévoilement' d'une vérité cachée et d'une intention occulte n'est fondé que sur sa propre passion haineuse. P.A Taguieff l'a bien montré aussi bien pour le protocole des sages de Sion que pour le 11/9. Mais il reste qu'il faut expliquer la constance de la haine à toujours retourner à cet 'objet'. C'est évidemment en nous (membres de la civilisation occidentale) et pas ailleurs que se trouve le secret de ce retour insistant, incessant. Et qu'est-ce qui est aussi constant que cette haine ? L'acte fondateur de nos sociétés se détachant du paradigme monothéiste plus ancien pour affirmer -dans la direction indiquée par la 'démocratie' grecque- l'égalité des rapports dans la cité (pour ce qui concerne les citoyens libres, puis aussi les esclaves). Or un tel acte symbolique remue en profondeur -et sur des siècles, voire de manière intemporelle- la psyché de chacun car il implique qu'il n'y a plus de personnage 'supérieur', au dessus. La religion qui met en avant l'homme, le christ, 'tue le père' dans l'inconscient et s'expose donc à produire chez nous tous une culpabilité sans fond. C'est cette culpabilité que nous rejetons alors constamment et sans fin, comme l'obsessionnel se nettoie les mains. Mais une partie de la culpabilité (non clairement assumée par le choix d'être chrétiens) ne peut être 'nettoyée' : alors c'est la haine furieuse, intarissable, récurrente, contre l'autre auquel nous imputons notre propre acte. Et c'est le juif qui occupe logiquement cette place de l'autre, précisément car c'est le seul auquel nous ne pouvons le lui imputer dans le réel (il n'adhère pas à l'idée d'un christ homme-dieu). C'est bien aussi parce que nous ne pouvons lui imputer notre propre crime dans le réel que nous le haïssons aussi furieusement, de manière aussi impossible à discuter. Est ainsi mis à découvert cette étrange tendance des complotistes à devenir des 'culbutos', c'est-à-dire à ne jamais 'lâcher' leur attitude de 'découvreurs de vérités cachées', voire à y perdre l'essentiel de leur temps (ce qui est indigne). Pour qu'ils l'abandonnent, ils faudrait qu'ils pratiquent sur eux mêmes la 'psychanalyse' de leur adhésion culturelle. Peine perdue : ils diraient encore que Freud était juif !
Lydia
Que l'antisémitisme puisse exister comme un terme purement logique dans l'équation chrétienne peut paraître étrange. Mais c'est vérifié par exemple aux Antilles, où il existe un antisémitisme très fort et très répandu (comme en témoigne un certain 'humoriste' acharné), alors que les juifs y sont vraiment peu nombreux. En revanche la foi chrétienne y est encore très enracinée. Il faut à l'évidence un exutoire à la culpabilité que produit cette religion plus que les autres. Cela est assez connu, mais vous démontez bien la source théologique du problème, ce qui est rarement fait.
denis
Ma reponse precedente s'adressait a vous, Lydia. On s'est croises. Je suis d'accord, l'antisemitisme virulent dans les antilles ne peut pas s'expliquer autrement. Mais a propos du christianisme, ce qui est interessant, c'est que cela montre qu'il n'y a pas de grande position collective prise dans une civilisation sans un 'envers' inconscient, et que celui-ci colle comme le revers d'une medaille. Il s'ouvre ainsi tout un champ passionnant : chercher quel est 'l'envers' à la fois secret et evident des differents positionnements humains. Par exemple, est ce qu'etre chinois (comme culture) cela ne pose pas des problemes recurrents ? Cela dit, je crois comme vous que le christianisme est special dans l histoire humaine par sa production de culpabilite inconsciente, associee precisement au 'saut' qu'il introduit par rqpport a la tradition respectueuse du 'grand arbitre'.
henry-paul
Je ne voudrais pas jouer les trouble-fête mais si c'est vraiment dans le coeur du christianisme que l'on trouve l'antisémitisme le plus poussé, pourquoi n'est-ce le cas ni en Italie (où est installée la papauté) ni en Espagne (où il y eut jadis l'inquisition) ? Pourquoi pas non plus en Grèce orthodoxe ?
denis
Vos objections sont très fructueuses. Je ne prétends pas avoir réponse à tout, mais, malgré tout, la 'théorie' peut encore avoir une chance de survie si on la précise de la façon suivante : d'abord en Grèce ou en Italie, coeurs du système chrétien, il faut rappeler que le thème démocratique a précédé le monothéisme, et que ce n'est pas un scandale pour les juifs hellénisés ou pour les patriciens stoiciens qui vont devenir chrétiens d'équilibrer le principe divin et le principe humain. Le christianisme est déjà un mélange de philosophie et de monothéisme, un compromis, qui plus est entériné par l'empereur.
Que l'orthodoxie orientale conserve certains traits démocratiques tandis que le pape occidental tente de disputer son pouvoir à l'empereur est peut-être secondaire. Ce qui est important, c'est que dans des zones intermédiaires, converties assez tôt mais néanmoins encore sous l'influence de thèmes aristocratiques (à l'origine des féodalités), on ne peut à la fois se permettre l'hérésie (réservée à des zones encore plus extérieures) et oublier que la supériorité du 'senior' est décisive. C'est donc dans ces larges zones (Gaules, Germanie, plus tard Moscovie) que le dogme 'égalisateur' (entre Dieu et l'Homme donc entre Hommes) est appliqué avec le plus de rigueur mais aussi le plus de douleur : c'est donc dans ces zones intermédiaires que le refoulement du sentiment de culpabilité (d'avoir à tuer le père) est le plus puissant et produit son effet de bouc émissaire le plus net : ce seront les patries de l'antisémitisme. Reste le cas de l'Espagne. Trois éléments peuvent expliquer que l'antisémitisme s'y soit davantage déployé et épuisé plus tôt : d'abord la relative 'périphérisation' de l'Espagne sous les grandes invasions vandale et wisigoth, qui change son ancien caractère de 'beauce' de l'empire romain en l'éloignant du centre, favorise une situation de type 'mitteleuropa' (moins la densité urbaine). Ensuite, la grande 'rafle' inquisitoriale à partir des rois catholiques, qui 'vide' le pays des Marranes, la religion juive étant considérée en l'occurence comme alliée à l'islam des royaumes andalous. Le troisième élément est peut-être plus probant encore (car la haine du bouc émissaire démontre partout ailleurs son caractère récurrent) : l'Espagne et le Portugal sont les foyers premiers de la gigantesque vague énergétique tournée vers le nouveau monde à partir du XVe siècle. Or, dans cette mobilisation massive implique une nouvelle donne mythologique et religieuse. Il ne s'agit plus de permettre soit un féodalisme autonome soit une civilité à l'antique, mais de promouvoir une vaste classe de colons appelés à exploiter les populations locales ou à importer des esclaves. Autrement dit, on sort du problème classique posé par le dogme (le 'meurtre' fantasmatique du père) car c'est au contraire un père hiérarchique féroce qu'on réinstalle aux commandes, tout en partageant ses prérogatives entre hommes libres. La logique de conquête a beau se diviser entre agents de l'Etat impérial et agents de l'Eglise (et notamment ceux de la machine jésuite à convertir, implanter et gérer), ce partage même suffit à épuiser la haine en se renvoyant la culpabilité. Il y a même des places 'fonctionnelles' attribuées aux juifs dans le dispositif impérial et colonial, en lien avec le relâchement du mécanisme du bouc émissaire. Vos objections sont donc très utiles : si c'est bien toujours le coeur du dogme chrétien qui produit l'enclenchement fatal, ce n'est effectivement pas dans les régions d'invention du christianisme que cet enclenchement se produit le plus facilement (asie mineure hellenistique et italie romaine), ni dans les périphéries (qui deviendront protestantes), mais dans les zones intermédiaires, obligatoirement prisonnières des centres de dogmatisation, mais souffrant d'autant plus du dogme qu'elles lui doivent absolue fidélité. armelle chatelier
Je trouve fascinant cette très nouvelle théorie qui éclaire un long pan de l'histoire...
à méditer ! denis
La théorie du bouc émissaire est très ancienne. René Girard l'a réutilisée. Mais c'est curieux : dans le cas de Girard, il considère le processus de désignation du bouc émissaire comme salvateur. Or il est clair qu'il n'en est rien : il est au contraire fatal et générateur de massacres. De même Freud a bien vu, avec une grande lucidité même, ce qui est très rarement dit, à savoir que c'est le christianisme qui 'tue' Dieu (au sens symbolique de lui faire connaître la condition mortelle des êtres humains, connaissance qui parfait l'alliance, sans cela 'bancale'). Mais il reste curieusement attaché à l'idée d'une culpabilité propre des juifs -en tant que ceux-ci 'n'avouent pas' le meurtre du père. Freud est probablement trop accaparé par la force de la métaphore paternelle pour reconnaître qu'il existe un changement qualitatif entre 'tuer le Moïse égyptien', et rendre Dieu mortel.
Si un lecteur découvre que la thèse -ultra-simple- que les chrétiens se sentent coupables de la mort de Dieu depuis très longtemps et secrètent régulièrement le rejet de cette culpabilité sur les Juifs a été déjà soutenue, je serais ravi de me cultiver. Il peut en effet sembler 'énorme' que personne n'y ait pensé auparavant, et je suis même certain que la chose a été dite quelque part. Mais il faut aussi comprendre qu'une telle pensée est tellement 'sacrilège' dans le monde chrétien (malgré l'évidence de son dogme, notamment pour ses propres mystiques) qu'elle n'a pu facilement prendre son envol, et que même dans un monde occidental fortement 'laïcisé', il existe encore une sorte de retenue en ces matières. Et paradoxalement les 'dévoileurs' du XIXe siècle, comme Renan, Comte, Nietzsche, etc.. sont d'autant plus facilement passés à côté qu'ils avaient à défendre une position polémique. Quant au 'long pan de l'histoire', le problème est que les historiens 'académiques' s'en sont... longtemps méfiés. L'affirmation d'une entière légitimité scientifique de la très longue durée est, paradoxalement, très récente. Quoi qu'il en soit, quand une idée est lancée, comme cela, il est clair qu'elle ouvre devant elle un programme de recherche sans laquelle elle n'est qu'opinion fantaisiste. DD Antonietta Calvillo
Excellente matinée à tous,
Pour commencer , permettez-moi de vous démontrer mon appréciation pour chacune des très pertinentes infos que j'ai retrouvées sur cet cool forum . Je ne suis pas certaine d'être au meilleur section mais je n'en ai pas vu de meilleure . Je réside à Wawa, États-Unis. J'ai 42 ans et j'éduque deux agréables enfants qui sont tous âgés entre 10 et 15 ans (1 est adoptée ). J'aime énormément beaucoup les animaux et je fais de mon mieux de leur présenter les items qui leur rendent la vie plus heureuse . Merci à l'avance pour toutes les superbes délibérations qui viendront et je vous remercie de votre compassion pour mon français moins qu'idéal : ma langue maternelle est le vietnamien et j'essaie d'apprendre mais c'est très difficile! Bye Arthru denis
Bonjour, mille mercis pour votre appréciation. Donc, vous êtes vietnamienne... Puis-je vous demander pourquoi vous êtes concernée par l'histoire du christianisme ? Votre réponse pourrait
être importante pour amorcer une discussion sur le type d'usage et de transformation de la culpabilité (ou de la dette symbolique) qu'opère le christianisme où qu'il se répande. Je précise que je ne suis pas du tout 'anti-chrétien'... (ni anti-américain,d'ailleurs, bien que je pense que cet enfant de l'Europe chrétienne a bien du mal à trouver -en tant qu'identité homogène- sa place au sein de l'humanité )... Pour ce qui concerne l'Europe : elle a déjà trouvé une amorce de solution :elle est divisée en langues et nations! C'est peut-être cela qui la sauve ! Bien à vous et amitiés, DD denis
Bonjour, mille mercis pour votre appréciation. Donc, vous êtes vietnamienne... Puis-je vous demander pourquoi vous êtes concernée par l'histoire du christianisme ? Votre réponse pourrait
être importante pour amorcer une discussion sur le type d'usage et de transformation de la culpabilité (ou de la dette symbolique) qu'opère le christianisme où qu'il se répande. Je précise que je ne suis pas du tout 'anti-chrétien'... (ni anti-américain,d'ailleurs, bien que je pense que cet enfant de l'Europe chrétienne a bien du mal à trouver -en tant qu'identité homogène- sa place au sein de l'humanité )... Pour ce qui concerne l'Europe : elle a déjà trouvé une amorce de solution :elle est divisée en langues et nations! C'est peut-être cela qui la sauve ! Bien à vous et amitiés, DD Chloe Disanti
Bonjour à vous tous ,
Premièrement, donnez-moi l'opportunité de vous démontrer ma gratitude pour chacune des très pertinentes infos que j'ai trouvées sur cet cool site. Je ne suis pas certaine d'être au meilleur endroit mais je n'en ai pas trouvé de meilleur. J'habite à Sauble beach, canada . J'ai 29 ans et j'élève 3 très gentils enfants qui sont tous âgés entre six et 13 ans (1 est adopté). J'adore beaucoup les animaux domestiques et je tempte de leur présenter les biens qui leur rendent l'existance plus heureuse . Merci dès aujourd'hui pour toutes les très 'à propos' discussions dans le futur et je vous remercie de votre compassion pour mon français moins que parfait: ma langue de naissance est l'anglais et je fais de mon mieux d'éviter les erreurs mais c'est très difficile! A plus tard Arthru Debra
Bon, cet article est vraiment très dense, et une lecture critique nécessiterait de l'avoir sous les yeux d'une manière que l'ordinatueur ne permet pas.
Il se trouve que ce sujet m'intéresse beaucoup, et que j'y ai beaucoup pensé. Vous ne trouvez pas qu'Adolf Hitler était un homme étonnamment.. moderne ? Moi, si. Bon nombre des traits de caractère que vous décrivez ci-dessus sont des traits qu'on peut trouver de manière absolument banale chez beaucoup de nos contemporains (y compris chez moi, d'ailleurs). Perso... ça me fait froid dans le dos. C'est même assez terrifiant quand on y pense. Nous n'avons pas la même approche de la psychanalyse. J'ai été formée par André Bolzinger, un lacanien clinicien très structuraliste qui est d'origine alsacienne, et qui lit Freud dans la langue originale. Il m'a légué un appareil critique très poussé, je crois, et bien axé sur l'attention au détail des mots. Il y a quelques années j'ai ouvert "Mein Kampf" par curiosité, et dans la conscience de transgresser. (Je l'ai sorti de notre bibliothèque de quartier, où le livre était en réserve, et la bibliothécaire a failli avoir des ennuis par la suite...) Ce qui m'intéressait à l'époque, c'était d'essayer de cerner un moment fécond où Hitler aurait vécu un événement.. psychique annonciateur de la suite. Je l'ai trouvé vers le début du livre. (Je ne mets pas en doute la sincérité, et le désir de transparence de Hitler dans "Mein Kampf".) Il s'agit du moment où le jeune Adolf, suivant les traces paternelles (son papa était parti chercher fortune à Vienne à 14 ans, je crois), débarque à Vienne pour lui-même chercher fortune, dans un évident souci de filiation. (Et oui.. une des manières de "follow in the footsteps of" est de littéralement faire le même chemin avec ses pieds. C'est très important, cette dimension de la littéralité.) Arrivé dans les rues grouillantes de Vienne, où il devait se sentir perdu après sa vie à la campagne, Adolf tombe sur un Juif ashkenaze (vraisemblablement), et éprouve un moment de sidération. Il dit "cet homme là, est-il un Juif ET un Allemand ?" On peut imaginer que dans son bled du côté de la frontière autrichienne, il n'avait pas encore vu de Juif hassidim, avec les téfila et compagnie. On peut imaginer que les Juifs de son bled étaient bien en voie d'assimilation. Sa sidération porte sur la possibilité d'une identité... plurielle ? polysémique ? Ce qui fait problème pour lui, c'est la nature polysémique du signifiant "Juif", ainsi que le lien entre ce signifiant et la personne en chair et en os qu'il voit devant lui. (Se souvenir que dans la linguistique saussurienne, le signifiant est nécessairement et structurellement polysémique, sinon il n'est pas signifiant, mais choit au statut de signe, si mes souvenirs sont corrects.) Voilà pourquoi dans un autre commentaire je vous parlais du problème de l'intrication, et du lien. Regardez bien le texte de Freud dans "Moïse" que vous citez plus haut. Freud lui-même parle du Dieu chrétien où le Fils est "à côté du" Père, pour rectifier, et ensuite mettre "à la place de". "Et" n'est pas... "ou". Cela m'embête qu'on se réfère au Christianisme comme à une religion où le Fils prend la place du Père. Non, car le Fils est un MEDIAteur. Il est ENTRE le fidèle et le Père. Jésus se donne ce statut dans l'Evangile, c'est assez clair, d'ailleurs. Le Père, ainsi, ne disparaît pas. Vous reconnaîtrez l'énorme problème du statut de la trinité chrétienne. Je ne suis pas en mesure d'en parler plus, mais je sais que l'Eglise Catholique a élaboré une position complexe sur la trinité avec le temps. Vous avez sans doute remarqué que la place.. "media" est très difficile à soutenir pour l'humain. Pour moi, les différents moments révolutionnaires dans l'Occident (et la Réforme en fait partie) sont caractérisés par une poussée collective importante pour éliminer le média, l'intermédiaire, dans le désir de vivre une expérience DIRECTE, sans médiation. Evacuer la nécessité subjective d'interpréter, là où l'interprétation est ENTRE soi et le mystérieux monde. On pourrait dire.. une expérience de peau CONTRE peau ? (Mais je n'aime pas trop qu'on évoque le maternel pour en parler. Evoquer le maternel dans ce cas a eu la fâcheuse conséquence de culpabiliser les femmes, et rendre même la maternité un lieu impossible source de culpabilité pour les femmes, à mon avis. Je ne suis pas reconnaissante envers les nombreux spychanalystes théoriciens qui contribuent à la fragilisation de la place du maternel INCARNE dans un corps de femme dans notre civilisation en ce moment.) Ici, je vais me permettre une digression qui va s'éclaircir par la suite. Depuis trois ans, je fais des truffes maison. Pendant un certain temps, je me suis contentée de faire des fournées toutes de la même taille. Des truffes.... TOUTES uniformes, pourrait-on dire. (Je dirais... des truffes pour démocratiques égalitaires...) Et un jour, une lumière s'est allumée dans mon petit esprit, et je me suis dit "mais POURQUOI est-ce que je suis en train de faire ça ?? N'est-ce pas pensable.... que quelqu'un pourrait avoir envie d'une petite truffe, par exemple ? Ou même, oh sacrilège.. une grosse ??" Et, du coup, je me suis mise à faire des truffes qui n'étaient plus TOUTES uniformes... Bon, c'est relativement facile de faire des grosses et des petites. Mais... si on veut faire une truffe de taille moyenne... ça suppose d'allumer plus de neurones. D'abord, il faut bien regarder ET les grosses, ET les petites, et puis se mettre à fabriquer une truffe.. INTERMEDIAIRE. Moins facile. Freud a fait disparaître... le troisième terme dans sa fichue histoire de "Totem et Tabou" (que j'ai toujours considéré comme une fiction freudienne pas du tout vivifiante, et pas comme une "réalité" objective donnée une fois pour toutes, encore moins comme une vérité. On bricole les théories qu'on peut, en fonction des circonstances. Même Michel Onfray..) "On" tue le père dans une société où, par exemple, le fils, même à 50 ans plus, n'a pas voix au chapitre SI.. papa est toujours là en chair et en os...(voyez où je regarde) Toutes les sociétés qui ont contribué au passé si riche et métissé de l'Occident n'avaient pas des positions aussi difficiles, je crois. Il n'y a pas de résolution d'ambivalence SI.. on liquide le père, et si on fait disparaître le troisième terme. (Mais je ne crois pas qu'il y AIT une résolution d'ambivalence, de toute façon, ou encore moins qu'il DEVRAIT y avoir une résolution d'ambivalence.) "Et" n'est pas "ou". Il y a longtemps je m'extasiais sur une citation de Freud qui sonnait rudement bien : "ce que tu as reçu de tes pères, reçois-le pour pouvoir le posséder". Mais, un lacanien bien intentionné m'a informé que c'était une citation de Deuteronome. Un jour, j'ai dit à une analysante : "ce que tu refuses de penser, ce à quoi tu refuses de donner un LIEU PSYCHIQUE, un accueil en toi, et bien... ça te pensera". (Les mots mènent la danse.) C'est vrai pour Freud qui a malheureusement perdu de la crédibilité aux yeux de personnes comme Michel Onfray en conséquence. Mais... nous avons tous nos points aveugles, n'est-ce pas ? Il vaut mieux pourvoir reconnaître qu'on en a nécessairement, c'est même salvateur...J'ai lu dernièrement une petite citation de Marx où il apparaît assez évident que l'idéal de la lucidité a partie liée avec la lente montée de la bourgeoisie. Logique. La lucidité, ça correspond bien à la troisième personne omnisciente dans le récit, et nous devrions bien pouvoir reconnaître A QUI revient cette place là (de droit)... pour pouvoir éviter les conséquences ravageuses d'une usurpation si funeste... Je vous recommande la lecture de Jacques Barzun, "From Dawn to Decadence, 1500 to the Present, 500 Years of Western Culturel Life". Jacques Barzun a fait le chemin.. inverse de moi. Il est allé coloniser l'Amérique, et il écrit un anglais qui POURRAIT me rendre jalouse... Jacques Barzun est un historien français généraliste de la vieille Europe, le Vieux Monde qui n'en finit pas de sombrer. Mais, à ma connaissance, il n'est pas traduit en français, et pas grand monde ne le connaît ici... Dommage. Dernier mot : je tiens pour très important "Le Marchand de Venise" dans l'exploration de l'antisémitisme occidentale. L'oeuvre est ambiguë à souhait, pour ne pas dire ambivalent. Il y aurait encore des tonnes à dire, mais il faut bien s'arrêter à un moment ou un autre, n'est-ce pas ? denis duclos
Debra, l’histoire des truffes (on en mangerait) sert plutôt mon argument : s’il est assez difficile de décider arbitrairement de ce qui est grand, un peu moins de ce qui est petit (par rapport au grand), il est plus aisé de mesurer le moyen –ou le médian- en faisant appel au calcul des différences entre grand et petit. Que vous mettiez Jésus en moyen terme ou le St Esprit (ce que faisaient les Anciens, pour qui l’Esprit était un peu le sperme de Dieu inséminant Marie… le quatrième terme, d’ailleurs), vous êtes dans la problématique occidentale et chrétienne de la mesure.
Je suis bien votre argument sur Hitler sidéré par la double appartenance (bien que je ne croie pas du tout à la naïveté du petit Autrichien en la matière), et je crois que cela est loin d’être contradictoire avec ce que j’avance à propos de Freud. Je ne parle du meurtre de Dieu que comme symbolique, et j’insiste sur l’égalité Père-Fils : dans cette égalité (cette mesure), Dieu ne disparaît pas, il est seulement « arasé » dans sa transcendance absolue par le seul fait qu’il condescend à s’incarner. Je ne substitue donc absolument pas du tout le « ou » au « et », mais je ramène ce « et » à un « égale » tout à fait conforme à la doctrine catholique, dans laquelle, à l’instar de Lacan, j’ai été élevé avant d’en sortir pour respirer un coup. Vous avez évidemment le droit de choisir votre christianisme personnel, mais si vous tentez une approche anthropologique de la religion –et donc nécessairement un peu distanciée-, vous verrez qu’une fois décantées les divergences primitives et avant les grands schismes, les trois instances de la trinité sont égales, participent de la même divinité et de la même substance. C’est plutôt l’Esprit qui joue le rôle d’intercesseur entre les deux autres personnages. Nous sommes alors en pleine révision philosophique de la religion juive de l’époque. A propos, l’unique raison pour laquelle un Jésus inhabituellement sévère menace de damnation quiconque critiquera l’Esprit saint, vous la devinez, non ? C’est un peu la faille du christianisme, un homologue des versets sataniques : c’est parce que si vous doutez de la capacité de l’esprit saint d’inséminer Marie, vous traitez implicitement celle-ci de femme de mauvaise vie. Et là Homo orientalis se réveille : si tu traites ma mère de…. Gare à toi ! Il n’y a aucune autre explication plausible du fait que le blasphème soit réservé au dénigrement de l’esprit, et soit pardonné pour toute insulte au père et au fils ! Même si l’on considère, avec la gnose hellénique que le st Esprit, c’est directement la mère, en tant que Sophia, notons que c’est encore l’insulte à la maman qui est considérée inadmissible. Quoi qu’il en soit, pour que mon raisonnement tienne à propos de l’inconscient antisémite récurrent et automatique du Chrétien (et par extension, de l’Occidental) quel que soit par ailleurs l’historique précis de l’antijudaisme dès les origines (dès que les juifs chrétiens furent interdits de synagogue, en fait), il suffit que nous prononcions le mot de mesure, et donc d’égalité (même si c’est l’Esprit saint qui se charge du contrôle de sa mathématisation, et qui représente le signifiant « = »). Protestez autant que vous le souhaitez ! Et je dirais même : si vous protestez suffisamment, il se peut que vous rejoigniez les Protestants calvinistes (si ce n’est déjà fait) qui ont éliminé largement le problème en évitant l’eucharistie, à savoir l’obligation de partager physiquement –même symboliquement- l’égalité divine entre tous les hommes. Ils ont probablement des rêves moins coupables que les Catholiques, les Lutheriens et les Anglicans. Cela dit, je suis d’accord sur la tentative moderne d’exclure la médiation, ou, justement de la formaliser, la réduire, l’épurer, pour qu’elle devienne un simple instrument de saisie directe du réel. Mais là, il faut se souvenir que c’est un très vieux rêve. Et se rappeler que si la médiation a de l’épaisseur, ce n’est certainement pas parce qu’elle est omniscience, mais au contraire parce qu’elle nous perd dans son réseau arborescent de significations arbitraires, et nous laisse comme seule possibilité de retrouver notre chemin dans les holzwege de nous ouvrir à la poésie et aussi à renoncer, parfois à instrumentaliser la nature (ce n’est pas le « peau à peau » qui est dangereux, mais bien plutôt la signification venant tatouer, torturer, graver la peau au fer rouge de ses interprétations). Votre conseil à une analysante réfractaire à l’accueil me rappelle une petite histoire racontée par un merveilleux rescapé d’Auschwitz (dont je vais retrouver le nom) : Dieu enlève la divinité aux hommes qui n’ont fait que des bêtises, et réunit son état-major d’anges pour savoir où la cacher. Un ange propose de l’expédier au fond de l’univers et Dieu secoue la barbe : non, ils la retrouveront. Un autre conseille de plonger la divinité au fond des mers. Non, dit Dieu, ils la retrouveront et feront plein de bêtises. Bon, on donne notre langue au diable, disent les anges, que proposez-vous,Papounet ? Eh bien voila, on va cacher la divinité au fond des hommes, et là, jamais ils ne la retrouveront. Et là j’ajouterai : surtout pas par le moyen des religions !!! Je vous laisse, mais ce n’est que partie remise ! PS :je suis un peu vexé par l’argument talmudiste « vous n’avez pas assez lu , et pas d’assez près », mais je m’en remettrai, notamment à l’aéroport de Genève où ils vendent des truffes à se damner … En revanche, merci pour le devoir de vacances : bien que je me méfie du mot « decadence », je lirai assidument Jacques Barzun, que je ne connais pas du tout, et vous rendrai compte de ma lecture. Julie
Bonjour à tous,
J'ai besoin d'aide pour quelques questions. J'ai 18 ans et pas vraiment experte en la matière, mais pour mon examen de fin d'année notre professeur de français nous a donné les types de questions au quelles je peux m'attendre: 1) Expliquer la thèse de la haine dans la destruction des Juifs d’Occident. 2) Développer la question de la haine radicale de façon historique. 3) Expliquez la question de la culpabilité. 4) Expliquez la question de la responsabilité collective et individuelle. 5) Expliquez la question posée par le témoignage chez Primo Levi. 6) Expliquez le principe de "violence inutile" chez Primo Levi. 7) Pouvoir expliquer la question du darwinisme social. 8) Parlez de Breendonk et de la question du révisionnisme. 9) Parlez de la question de responsabilité à partir du procès d'Eichmann. 10) Parlez de l'eugénisme issu d'une convergence d'un usage de la science (quelle science) et de l'histoire (quelle histoire). 11) Comprendre les bases de la théorie raciale. 12) Comprendre la questions du "sol", du sang, de la langue dans le nazisme et faire des liens. 13) Comprendre la question des masses posées par le 20 ième siècle et les "réponses" politiques que le nazisme y apporte. 14) Comprendre le terme Shoah versus Holocauste. 15) Expliquez la question de la destruction "industrielle". 16) Parler de Simon Wiesenthal. 17) Expliquer la notion d' "esthétisation de la politique". 18) Expliquer le terme "musulman". 19) Expliquer le principe du Führerswille et de la volonté. 20) Expliquer la question du "décisionnisme" de Carl Schmitt. 21) Expliquer la thèse de de l'interprétation juridique du nazisme et actualiser la question. 22) Expliquer le terme du "pogrom". 23) Expliquer comment l'idéologie nazie imagine régler la question des inégalités sociales. Voilà, si quelqu'un pourrais m'aider j'apprécierais beaucoup. Je vous remercie d’avance, Julie P. Ecrire une réponse
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